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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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2 septembre 2010

Du PLAISIR de la CONNAISSANCE PHILOSOPHIQUE

"Dans les autres occupations, une fois qu'elles ont été menées à bien avec peine, vient le fruit : mais en philosophie, le plaisir va du même pas que la connaissance : car ce n'est pas après avoir appris que l'on jouit du fruit, mais apprendre et jouir vont ensemble". (Epicure: sentence vaticane 2

Apolausis : action de jouir, jouissance que l'on retire de quelque chose.

Mathèsis :  action d'apprendre.

Que nous voilà loin de la fameuse "inculture" d'Epicure! Pour goûter pleinement (apolausis!) cette maxime, il faut opérer un complet renversement de la temporalité et de la finalité. Nos actions visent généralement un but, que nous nous proposons comme gain de plaisir (terpnos : le plaisir, le charme) ou "fruit (karpos), ce qui implique un effort, calculé en relation avec le bien espéré. La finalité de l'action commande une temporalité de l'espoir, de l'attente, de l'effort, du calcul des moyens et des fins. La connaissance y est un moyen, subordonnée à la quête du plaisir. C'est, dirait Freud, le trajet de la pulsion, qui de la source, par l' objet, va à la satisfaction. Temporalité orientée. C'est la logique du faire, logique du travail. Epicure y oppose la philosophie, en qui le plaisir est consubstantiel, connaturel à la connaissance : la connaissance elle-même, par elle-même, dans sa mise en marche, dans son déploiement, est plaisir. Le plaisir n'est pas suspendu à la réussite, déterminé par le résultat, mais la marque même de l'activité, qui a déjà sa fin en elle-même. Nulle attente, nulle tension vers la fin (comprise à la fois comme finalité et comme terme), nul travail en somme, mais la sereine activité de l'esprit engagé dans un jeu de contemplation, de réflexion, de mise en rapports, de combinaison créatrice. Non pas la volonté crispée, l'obstination et l'impatience, mais l'exercice naturel d'un esprit sentant et pensant. Joie de la connaissance comme déploiement naturel des facultés humaines.

D'aucuns se plaignent que la philosophie soit difficile, maîtresse acariâtre, exigeante, jamais satisfaite! C'est qu'ils ont une vision fausse. Ils cherchent quelque bien extérieur, réputation, savoir universitaire, pouvoir politique, efficacité technique ou séduction. Ils considèrent la philosophie comme un moyen au service d'une fin, comme un travail. Ils s'acharnent, croyant trouver en ce domaine quelque révélation prestigieuse qui augmenterait leur pouvoir sur les choses ou les hommes, quelque sécurité magique contre les hommes ou la mort. Ils ne saisissent pas le sens de la vraie culture. Ils s'épuisent à la tache, soumettant leur esprit à un épuisant forçage qui n'aura pour fruit que le ramollissement de leur cerveau. Victimes d'"opinions creuses", ils dénaturent la voie philosophique, et gâchent le temps précieux de la vie.

Pour philosopher sainement il faut revenir aux lois de nature, réinvestir le corps, source de toute sensation et de toute vérité, se laisser guider par ce principe fondamental que le plaisir est facile à obtenir, s'il est naturel et nécessaire, et impossible à atteindre s'il est non-naturel et non-nécessaire. Il y a un plaisir naturel à penser, mais la pensée peut aisément se dérègler. Il faut une hygiène pour prévenir les maladies, une médecine pour les soigner, si la maladie déjà exerce ses ravages. La juste philosophie est l'exercice d'une pensée du plaisir alliée au plaisir de penser.

Si donc, en philosophant, vous vous épuisez, c'est que l'intention est fallacieuse, et que vous vous perdez dans l'océan de l'illusion.

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Commentaires
R
Ces instants qui emmènent à la sérénité du Jardin existent belle et bien mais restent fugaces. <br /> <br /> C'est dans l'éclair de l'apparition, que le plaisir d'Etre est à son comble, dans le mystère et le dévoilement soudain. L'on dit que l'on sait ! <br /> <br /> Mais un instant après, l'éparpillement dans la multiplicité reprend sa place. L'attention devient distraite. L'on est confus. <br /> <br /> Mais c'est possible...
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T
Vous avez raison, l'homme se perd quand sa volonté se crispe, quand l'obstination et l'impatience font leurs ravages dans l'âme. C'est une belle promesse que celle que fait Epicure, celle d'une pratique très pure, désintéressée, de la philosophie, dans l'esprit de l'amitié, de la valorisation d'autrui, de l'hommage rendu à autrui. Il a sans doute dû surmonter bien des choses pour parvenir à cette position.<br /> Il y va de la création d'une communauté réelle, de la jouissance de la présence d'autrui, en compagnie de qui philosopher vraiment.<br /> J'avoue ne pas me sentir à la hauteur du Jardin, de sa sérénité, de sa beauté. Mais son idée m'enchante.
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