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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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24 décembre 2008

DES TYPES D' OUBLI

Freu a renouvelé complètement la question de l'oubli en démontrant qu'il ne se réduisait pas à "un simple trou de mémoire" comme le veut l'opinion courante. L'oubli n'est pas nécessairement un manque de mémoire, ou une faiblesse passagère ou durable. Si l'on met de côté les affections proprement neuronales ou dégénératives, type Alzheimer ou lésions cérébrales, sur un plan strictement psychologique l'oubli peut être sensé, et témoigner d'un sorte d'intention inconsciente, comme dans les oublis de nom, de date, les erreurs de lecture etc, ce que Freud appelle les actes manqués, qui sont probablement des oeuvres directes de l'inconscient ; je ne me souviens pas parce qu'au fond je ne veux pas savoir, tel le mari qui oublie l'anniversaire de son mariage, ce qui lui permet de signaler un mécontentement vis à vis de sa femme et son de son état conjugal ou familial. Tout cela étant assez connu je renvoie le lecteur à "La psychopathologie de la vie quotidienne" du même Freud. Il y expose longuement les troubles issus du conflit latent entre le conscient et l'inconscient. C'est ce conflit qui explique les oublis les plus courants. Freud en tirera une théorie générale du refoulemnt : une motion désirante désagréable ou insupportable est "refoulée", c'est dire mise de côté dans les profondeurs plus ou moins épaisses et résistantes de l'inconscient. Mais ce qu'il faut ajouter, et qui est de la plus haute importance, c'est que le refoulé fait souvent retour sous des formes travesties et méconnaissables, comme le geste déplacé et agressif, le rêve pénible ou jouissif, et la vaste gamme des symptômes dits "hystériques". Grâce à ces retours on peut accéder à une partie du refoulé et faire quelque progrès dans la connaissance de l'histoire du sujet.

Plus tard Freud va découvrir que le refoulement est la forme la plus superficielle et la plus bénigne de l'oubli. Certaines résistances de l'inconscient sont si profondes qu'elle semblent échapper à toute investigation : d'où une nouvelle terminologieplus nuancée, plus complète . On distinguera le refoulement de la dénégation, -le sujet prétend ne rien savoir et refuse toute recognition ; le déni, encore plus profond, où la motion "oubliée" est tout simplement refusée sans compromis possible tel les états psychotiques où la réalité ne trouve plus de place pour se faire reconnaître dans la psychè (ex déni de l'enfant mort, il est toujours vivant et occupe une place centrale dans la vie réelle du sujet, on lui parle, on l'habille, on le soigne comme un vivant réel). Mélanie Klein, par la suite attribuera une grande importance au clivage : la psyché se coupe en deux, voire en plusieurs personnages autonomes qui ne communiquent pas entre eux. De tous ces travaux résulte une panoplie assez impressionnante de figures formelles dont on peut trouver des exemplaires plus ou moins purs dans la psychopathologie des états borderline ou psychotiques.

Le trait commun de toutes ces analyses c'est de considérer l'oubli, dans ses diverses figures, comme un processus de défense face à l'inconscient : pour ne pas éclater sous la pression des forces contradictoires lnternes le sujet, soit repousse et refoule, soit détruit la représentation, soit la fait éclater pour sauver le moi, ou du moins ce qui en reste puisque tous ces processus réduisent fatalement la puissance créatrice et unitive du Moi. A l'extrème c'est le Moi qui éclate et c'est la psychose.

La faiblesse de nos théories philothérapeutiques c'est d'avoir négligé ces terribles processus en surestimant le pouvoir du conscient au détriment de l'inconscient. C'est la faiblesse des anciens (Epicure, Sénèque, Spinoza et de la plupart des philosopphes, à part le génial Schopenhauer auquel Freud doit tant et de Nietzsche, que freud ne voulait pas lire tant son oeuvre le troublait par sa témérité et son audace.

Il va de soi qu'une philothérapie moderne doit intégrer ces données. Mais les choses se compliquent à , nouveau du fait des progrès étonnants des neurosciences, dont certains philosophes croient élégant de se méfier par principe. Comme je suis de moi-même une sorte de chercheur-cobaye expérimentateur, je pense tout à l'inverse, pour avoir expérimenté les impasses de la psychanalyse et classique et jungienne, qu'il faut intégrer ces trouvailles neurophysiologiques dans le champ de nos recherches. Je vois par moi-même le rôle extraordinaire que peut jouer le psychotrope dans les états extrêmes d'angoisse, de dépression ou d'exaltation maniaque. Contre cela l'exploration psychique ne peut rien et il n'est d'autre soulagement que le médicament. Alors, que penser de la relation entre le somatique et le psychique? Entre les représentations intellectuelles et les variations de l'humeur? Du rapport entre la raison et l'affect? Et d'où l'angoisse quand elle échappe à toute interprétation rationnelle ou biographique? Je pense sincèrement que le vrai progrès peut venir de la connaissance de la toute petite enfance quand se constitue à la fois une sensibilité corporelle étrangère à toute raison, et un système symbolique qui recouvre tout et peut créer un oubli définitif de la personnalité première. En termes scientifiques il faut faire la science d'un inconscient neuronal puis d'un inconscient freudien. Le second est bien second, et ne touche pratiquement en rien le premier, sans effet sur les émotions et les affects du premier. L'erreur de la psychanalyse a été de surestimer le rôle du langage. Mais quand nous commençons à parler une immense et insondable histoire s'est déjà déroulée, dont le souvenir s'estompe à jamais, sauf peut-être dans les raideurs musculaires, les attitudes fondamentales, les humeurs primitives, les dispositions les plus irrationnelles et les moins modifiables. Pour prendre mon exemple comment expliquer qu'un superble spectacle de montagene, que j'admire de tout mon coeur, puisse en même temps libérer en moi une invincible mélancolie, qui va parfois jusqu'à l'envie de mourir instantanément sur place?

Voilà en première approximation quelques remarques préalables. J' y reviendrai sans doute dans la mesure où la question du temps m'obsède ces  dernières semaines, et surtout une "perte" incompréhensible de la mémoire, comme si chaque jour il me fallait réapprendrebles les rudiments de l'existence.

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