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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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8 juin 2007

PHILOSOPHIE du BORDERLINE : Livre II, chapitre trois

LIVRE DEUX

CHAPITRE TROIS

 

 

 

DE LA FORCLUSION

 

I

 

 

« Vale ». Ainsi se terminent généralement les lettres des Romains : « Porte toi bien ! ». Et que souhaiter, en effet, si ce n’est avant toutes choses la santé, cette aptitude à se « bien porter », à se diriger selon son gré, à jouir de ces facultés minimales et essentielles sans lesquelles les autres potentialités ne peuvent accéder à leur pleine puissance. Et se porter bien,  autant dans le cœur et dans l’âme et le corps. Equilibre général, qu’ Epicure nomme ataraxie, absence de trouble, ou aponie, absence de peine et de douleur, et que Démocrite désigne plus justement : euthymie, bonne disposition générale, humeur claire et sereine de celui qui a dépassé ses illusions, mais tout aussi bien le désespoir ou le bien nommé « découragement », cette peine de cœur, ce manque de cœur, ou cet écœurement qui s’empare du vaillant qui affronte le réel, et qui risque d’en périr. La santé, la vraie, non celle qui est donnée gratuitement par les dieux dans l’enfance, est cette aptitude, cette puissance de l’adulte qui traverse la grande épreuve de la désillusion, et qui se découvre dans sa fragilité même plus fort et plus courageux .

 

Mon père s’appelait « Hellmuth ». Muth, c’est la disposition psychique, l’humeur, mais aussi bien le courage, ou ce que les classiques appellent « le cœur ». Rodrigue, as tu du cœur ? Le cœur fonde bien sûr le courage, mais aussi les vertus de l’honneur, de la gloire, de la capacité de résistance, et la fougue, et la force, et l’ amitié noble, et la persévérance. Tout cela nous le trouvons dans le personnage d’Athos, le célèbre mousquetaire intraitable, à qui D’Artagnan vouait une admiration sans borne. D’Artagnan était la tête. Athos était le cœur, et l’incarnation même de l’authentique noblesse.

 

Mon père s’appelait « Hellmuth », et cela peut se traduire par : humeur  lumineuse, ou claire disposition de cœur, ou encore : courage clair. Ce prénom a je ne sais quelle résonance un peu médiévale ou mythologique qui fait rêver d’aventures chevaleresques, de nobles défis, de tournois, d’amour courtois. Noblesse de cœur, c’est ce qui fait le chevalier, toujours éloigné de la vulgarité, de la bassesse, des petits calculs avaricieux, de la lâcheté ou de la flagornerie. Le héros risque sa vie pour le prestige, l’honneur du nom, le salut du prince, la réputation de sa Dame. Sa mort est une consécration définitive, un défi à l’oubli, et la victoire absolue sur la peur. Comme Léonidas aux Thermopyles, mon père est mort à la guerre. Ce qui m’a privé à tout jamais d’une perception effective et réelle de sa personne concrète. Il est devenu une espèce de héros abstrait et magnifique, une image idéale sans contrepartie, sans nuance et sans substance. Mais moi j’étais bien là, et ma mère aussi. Je n’étais pas né de la cuisse de Jupiter. Il y avait là un mystère à résoudre, et que malheureusement personne autour de moi ne songeait à éclaircir. Aussi devins-je rêveur, songeur et quelque peu mélancolique, plus vivant dans le monde des livres et des images que dans la réalité coutumière. Cela ne fabrique pas un enfant adapté, mais un petit sauvage qui hésite entre l’agression et la fuite. Et comme je manquais cruellement de ce que je croyais être le courage paternel, il ne me restait plus qu’à fuir dans la rêverie pour me donner un semblant d’existence, à vrai dire presque aussi fantomale que celle de mon père.

 

Mais il y avait une difficulté : moi j’étais vivant, lui était mort. Mais qu’est ce qu’un mort pour un enfant de trois ou cinq ans ? – surtout si ce mort, je ne l’avais jamais vu vivant avant de mourir ? Qu’est ce donc qu’un mort que je n’avais jamais vu, touché, entendu, affronté ou admiré in concreto ? Un mort, en somme, qui pour moi du moins, était mort depuis toujours, dont l’essence spécifique était d’être originellement mort. ?

 

Un père absent et un père mort, ce n’est pas tout à fait la même chose. Un père absent, vous le voyez peut-être de temps en temps, si du moins il daigne se souvenir à l’occasion de votre existence. Ou alors vous l’avez vu, puis il a disparu. Vous pouvez espérer le revoir bientôt, l’appeler dans vos prières ou vos rêves, attendre son retour, comme faisait Pénélope pour son époux. L’absence, c’est une présence ailleurs. Dans l’univers familier, il y a un manque, mais une image existe, une trace, un souvenir que l’on peut évoquer, présentifier dans la mémoire des sensations et des perceptions, des affects et des souhaits. Bien sûr, tel enfant abandonné de la sorte risque fort de s’installer dans une attente perpétuelle, de rigidifier son désir sur l’ombre de l’absent, ou lui chercher désespérément des substituts plus ou moins adéquats. Et de vivre une vie d’insatisfaction amoureuse, avec cette béance difficile à combler. Mais enfin, la place symbolique est marquée, il y là un visage et un nom, une référence  minimale qui pérennise la place.

 

Le père mort c’est autre chose. Certes il est absent, mais pas de n’importe quelle manière, car il ne peut plus revenir. Je ne sais combien d’années il faut à un enfant pour accéder à cette différence, et admettre, inscrire ce signifiant de « mort » et de « mort sans retour possible » dans sa jeune psyché, portée à la fois à réclamer la présence du père, et à effacer, ou refouler son souvenir. Mais enfin, même s’il n’est plus là, il y avait quelqu’un, et la trace ne s’effacera jamais complètement.

 

Comment cela se passe-t-il si l’enfant n’ a jamais vu le père, qui est donc à la fois absent et mort, et bizarrement mort avant même que le sujet n’ait pu le sentir, le voir et l’entendre ? A-t-il bien vécu avant de mourir ? Est-il mort depuis toujours, avant même que de naître ? Quel est ce père dont nul ne parle jamais, qui n’est existant apparemment dans nul langage, nulle évocation bienveillante, et auquel ne correspond aucune formation mentale de quelque consistance, hors le nom, qui est aussi le mien, et le prénom qui est tout autre ?

 

Quelle gigantesque béance dans la structure, de nature à susciter les représentations les plus affolantes, sauf à fixer, une fois pour toutes, une image, et une seule, comme signifiant du défunt inconnu. !

 

Mais parler de père inconnu, c’est encore autre chose. Le père inconnu, cela désigne généralement le plombier qui passe, ou le violeur d’occasion, ou l’ infidélité, la légèreté de la femme devenue mère par « inadvertance ». Parler ainsi serait affreusement calomnier ma mère, qui était bien l’épouse légitime et fidèle du dit « père inconnu ». Cette appellation est de nature, disons, publique, et couvre pudiquement l’ignorance ou la volonté d’oubli, chez les membres d’une famille plus ou moins complice et honteuse. Mon père était connu de tous, sauf de moi, ce qui n’est somme toute, pas banal.

 

Mais alors ? Quel signifiant pourrait donc convenir ? Père inconnu, c’est incongru. Père absent, c’est mensonger. Père mort, c’est exact, mais incomplet. Que dire alors ? Je m’épuise en vain à trouver une dénomination correcte, qui rende compte de la complexité de la situation. Je dirai simplement : je suis le fils d’un père que je n’ai pas eu le bonheur de connaître, qui a épousé ma mère, et qui m’a conçu quelque mois avant d’être tué au combat., et avant ma naissance.

 

La grande difficulté, pour moi, ce fut de renoncer à attendre son retour, donc de passer du père absent au père mort, en d’autres termes de faire le deuil d’un « objet d’amour » à jamais impossible, à jamais perdu, et qui à vrai dire n’a jamais pu se constituer comme tel. Et plus tard, bien plus tard, de  comprendre cette différence entre un absent–mort, inexistant de toujours, et un mort qui a vécu, qui m’a conçu avec  ma mère, avant de mourir. Toute la différence réside entre un trou originel, un blanc dans la structure psychique, et un manque signifiant, qui témoigne dans le nom et le prénom, d’une présence effective qui fut, et dont la création se poursuit à travers la durée.

 

En d’autres termes, je ne puis vivre que s’il a vécu – et si cette vérité s’inscrit en lettres de feu dans mon esprit.

 

On peut soupçonner ici une certaine forme de forclusion, mais je n’en suis pas sûr. J’ai pu bénéficier de solides substituts paternels dans mon grand-père et mes oncles. Je suppose qu’il existe bien dans ma psyché un « nom-du-père », selon la dénomination lacanienne, mais elle semble bien fragile, et ne se sustente correctement que de cet interminable travail d’écriture qui seul lui donne une manière de signification concrète. La chose n’est d’ailleurs pas très originale à voir l’impressionnant catalogue d’auteurs dont tout le travail semble avoir été de se donner le père symbolique qui manquait à la naissance ou qui a prématurément disparu.

 

 

II

 

 

Pour avancer, je ne vois qu’un moyen. C’est restaurer le fil ténu qui mène à l’écoute de l’inconscient, par quoi une forme de dialogue peut se renouer. Depuis deux ans je suis comme pétrifié dans une angoisse de morcellement qui me rend sourd et aveugle, coupé de toute réalité intérieure vivante, proie facile de toutes les humeurs, Prométhée impuissant sur son rocher de supplice. A tel point que les rêves, qui étaient ma nourriture et mon principal support de travail, ont fini par m’abandonner. Ou alors c’est éternellement le même rêve d’impuissance professionnelle, comme si ma vie s’était arrêtée sur un échec. L’inconscient s’est fermé à tout dialogue, me laissant démuni dans ma solitude sans fond.

 

Il en est résulté une cassure sans précédent entre la vie intellectuelle qui continuait cahin-caha son petit bout de chemin, et la vie des affects, souterraine, grondeuse, imperméable et finalement toute puissante dans son mutisme même et ses orages incontrôlables. Il est urgent de trouver un petit élément qui permette de renouer ensemble ces deux instances intestines, sans quoi la vie même va se tarir, jusqu’aux conséquences désastreuses de la maladie organique.

 

Cette nuit, par la grâce de quelque divinité de l’Hadès, j’ai pu enfin rêver dans le sens créatif du terme. Un nouveau signifiant est apparu en tiers entre mes positions contraires, vouées jusqu’ici à se livrer un duel stérile. Un signifiant tiers, signifiant de la position symbolique, par quoi une autre place se fait jour, et qui serait habitable. Non plus une image paternelle, avec toute l’ambiguïté imaginaire qui l’accompagne et la stérilise, mais un pur signifiant, articulé à un autre, dans une chaîne signifiante, et qui fait sens. Je me sens un peu, toute proportion gardée, dans la peau de Moïse qui dans sa colère a failli casser les tables de la Loi, et qui se reprend au dernier instant, pour se souvenir que la loi, il lui faut d’abord la respecter lui-même avant que de la prononcer pour les autres. Il a manqué se laisser entraîner par l’indignation sacrée en voyant le peuple juif s’abandonner au culte du veau d’or, il a manqué briser de rage la Loi elle même, avant de se ressaisir et de maîtriser l’affect dévastateur. Ce n’est pas un refoulement, c’est un déplacement : l’affect de rage n’est pas supprimé et refoulé, mais reconverti en respect inconditionnel de la loi, au service de laquelle il entend se placer et demeurer.

 

Lorsque Kant déclare que le seul sentiment qui ne soit pas pathologique c’est le respect, il rejoint peut être notre idée : le respect est cette affection qui ne se peut concevoir ni éprouver sans un contenu intellectuel et moral : c’est la loi qui impose le respect, du fait qu’elle est la loi, et que dès lors la raison peut s’allier au sentiment pour renforcer la loi. Je ne vois pas d’autre solution pour concilier les deux ordres, autrement irréconciliables, de l’intellectuel et de l’affectif.

 

C’est ici, sans doute, que peut se faire la différenciation entre le père imaginaire, qui reste prisonnier de l’orbe de la mère, figure phallique du désir maternel et support des identifications idéales, et d’autre part le nom du père, instance symbolique de la séparation, et garant d’un ordre tiers, celui où la réalité et le langage pourraient apprendre à cohabiter. Le surgissement du père symbolique est la mort du père imaginaire. Dès lors il est possible d’en entamer le travail de deuil. : « Le roi est mort, vive le roi ». Mais ce n’est plus le même, ni la même place, ni la même fonction.

 

Du coup je peux retrouver l’inspiration première qui m’avait incité à commencer ce travail. Ecrire un texte sur la convalescence c’est logiquement se mettre dans une disposition subjective qui rende la guérison possible. Pour le moins c’est rompre avec les dispositions anciennes liées à la maladie, les idées, les évocations et les affects qui l’accompagnaient. Mais la volonté seule n’y suffit pas. La maladie-elle même a ses charmes. Et puis il y a la puissance de l’habitude, qui fait renaître quasi invinciblement les mêmes représentations, alors qu’elles sont déjà vidées de toute signification. Energie d’habitude, comme disent les Bouddhistes. Et de plus, l’état de convalescence est de lui même incertain et vacillant, fragile, avec d’inévitables rechutes. Ce qui compte c’est le regard tourné vers l ‘avenir, mais il y faut aussi la coopération active de l’inconscient, sans lequel rien ne peut se faire.

 

Il faut donc prendre une résolution : celle de retrouver la patience attentive et la disponibilité psychique qui rendent l’écoute de l’inconscient possible et de travailler en accord avec lui pour la résolution du problème. J’ai entendu le message. J’y réponds ici-même. Peut-être un dialogue pourra t-il s’instaurer, une forme de coopération active. Je n’ai encore aucune idée de ce que pourrait être une guérison. Pour le moment je décide de m’enraciner dans ce processus de convalescence, d’y agir avec intelligence et modestie, et pour le reste faisons confiance à l’énergie vitale. Même les forêts dévastées donnent des fleurs, puis des branches et de nouvelles ramures.

 

 

III

 

 

Fil d’Ariane. Je suis descendu dans l’antre de Minos, j’ai exploré les diverses cavernes souterraines, j’ai même passé quelque temps dans les Enfers auprès de héros antiques et modernes. Et comme Achille dans Homère, je conclus qu’il vaut mieux être un pauvre laboureur vivant qu’un héros défunt parmi les Ombres. Le problème c’est que j’ai perdu le fil et que je risque d’errer indéfiniment par les couloirs de la mort. L’Hadès ne manque pas de charme à sa manière, charme tragi-comique, un peu désuet, un peu kitch : on y rencontre Socrate et Diogène, Epicure et Lucrèce, Bouddha et Pyrrhon, on peut même converser longuement et se disputer à l’occasion, boire à la fraîche en compagnie de Li Taï Po et d’Homar Kayyam, ou se rouler dans quelque lupanar babylonien, mais tout cela ne vaut pas la clarté du soleil, et la carnation  veloutée d’une peau bien vivante et palpitante.

 

!Au milieu de cette débâcle je note quelques indices positifs. D’abord un certain retour, encore bien hésitant mais réel, des rêves nocturnes, ou plutôt la faculté d’en garder une petite trace dans la mémoire. Mais c’est bien trop modeste pour permettre un véritable travail de symbolisation. Ce ne sont que fragments déchiquetés, flash, éclairs et tourbillons. Peu d’éléments exploitables. Mais au moins cela travaille. Restons disponibles et patients.

 

Le dernier rêve dont j’aie gardé quelque souvenir posait la question du pourquoi écrire. Je regardais un rayon de livres, et je voyais un exemplaire de mes poèmes, un invendu qui devait traîner là depuis des années. Le vendeur vint me voir et me dit : « Vous savez, l’essentiel n’est pas de vendre » laissant entendre que le texte pouvait avoir je ne sais quelle efficace par le simple fait qu’il existât. Je crus comprendre ce qu’il me signifiait là, mais l’instant d’après je me surpris à me demander comment un invendu pouvait exercer une quelconque influence. Et en effet qu’est ce qu’un livre que nul ne lit ? Pourquoi demain serait-il plus favorable qu’aujourd’hui ? J’aurai passé ma vie à dépenser toute mon énergie dans une activité strictement stérile – hors le fait qu’elle m’aura servi de support subjectif. Mais enfin, qui soigne les roses de son jardin se soucie t-il de célébrité ?

 

Peut être l’important n’est il pas le livre mais l’auteur, ou plutôt le sujet qui, entre autres activités, est aussi un auteur ?

 

Le second point c’est un certain retour des fantasmes. Cela paraîtra banal, mais j’ai vécu de longs mois dans une absence à peu complète de désir, d’images érotiques, et pour tout dire, dans une asexualité proprement pathologique. La libido était rayée de mon existence, reléguée au rang d’un souvenir plus ou moins honteux, la réalité était totalement désenchantée, réduite à sa pure obscénité de chose. Une jambe est une jambe. Pas de quoi fantasmer, agrégat de tissus, d’os, de veines, de muscles, pure structure anatomique. Et de même pour tous les éléments corporels. Quant à mon propre corps il était totalement désexualisé, le pénis notamment n’était plus qu’un appendice un peu grotesque et hideux, dont la seule fonction honorable était la miction. Et le reste à l’avenant. Corps sans émoi, surfaces sans appeaux, peaux sans chaleur ni vibrations, évidement de tout charme, de tout appât, de toute désirabilité. Univers d’atomes, de surfaces et de plis, indifférent, morne comme un glacier des Alpes.- Et retrouver soudain un petit frétillement, une discrète excitation, un léger mouvement de tension vers un petit morceau de corps, n’est ce pas déjà un miracle ? Peu à peu l’univers se repeuple de formes agréables, chatoyantes, d’objets pulsionnels - oh , cela commence très timidement, de-ci de-là, une croupe alanguie, un petit sein irritant, une plongée dans quelque profondeur entrevue, et bientôt quelque chatouillement dans le corps propre, évoquant des images de plaisir, faisant renaître de douces sensations de volupté. La vie est encore là, et cette impression ne manque pas de troubler celui qui avait fait, croyait il, le deuil de toute jouissance. Ainsi donc les choses allaient tout simplement recommencer comme avant ? Je ne passais nullement dans un autre monde, au delà du désir et de la peine, des attachements et  des faiblesses humaines. Rien ne change, puisque le monde ne change pas, et nous pas davantage. Nous retrouvons les mêmes entêtantes questions, les mêmes nécessités, le même Réel. Qu’espérions-nous donc ? Quelle illusion de puissance ou de sainteté a donc pu nous berner ? Nous faire miroiter quelque glorieuse métamorphose ? Le nirvâna, ce n’est que cela ? Le même monde, qui revient après les espoirs de transformation ou de guérison ? Mais de qui se moque t’on ? Pourquoi ne pas dire tout de go au novice :  « Ce que tu cherches est une illusion. Tu crois pouvoir échapper à la souffrance et à la mort. Tu veux atteindre la demeure de la non naissance et de la non mort. Fadaises, rien que des fadaises ! Il n’y a pas de Voie, parce qu’il n’est nul idéal à atteindre. Enfonce-toi dans le présent, et renonce à toute recherche ! ». Un tel discours est vrai, mais pour être entendu il faut faire le chemin qui mène à la renonciation. Le fruit de la quête, c’est la non-quête. Impossible de sauter directement dans la liberté.

 

J’observe modestement ces humbles changements. Je ne surévalue pas leur signification. Je prends note du fait que mon chemin me ramène insidieusement dans la réalité banale de l’existence. Pyrrhonisme : Pyrrhon sait que nous ne savons rien, que le Réel est indécidable, que notre seule solution est de vivre comme tout le monde : ignorance et convention. Mais ignorance savante, et convention sans illusion.

 

D’une autre manière : la vérité absolue, celle de la vacuité et du non soi, doit rejoindre la vérité relative de la perception courante. Non pas deux mondes opposés, ni un seul, ni la somme des deux, ni aucun des deux : les non-deux ensemble, mais sous le même regard.

 

 

IV

 

Comment sortir du labyrinthe ? J’ai perdu le fil, ou alors il s’est emmêlé, accroché aux arbres, ou déchiré quelque part dans un recoin de caverne. A moins  qu’il ne se soit tout simplement enroulé autour de mon cou, invisiblement, menaçant de m’étouffer si je bouge. Je suis dans la peau d’un enfant à naître, hésitant entre la sécurité mortelle du gouffre, et l’effroi du jour. Mais enfin, ce chemin je l’ai déjà parcouru autrefois, sans préparation, inconscient de tout, et cela ne m’a nullement découragé de forcer le passage. La nature suffisait alors à lever les obstacles. Aujourd’hui c’est autre chose. Il semble que la nature n’y ait plus aucune part, et que tout relève désormais de la conscience. On vient au monde par accident, mais on ne naît véritablement qu’en pleine conscience.

 

Il faut naître deux fois, c’est la règle. Donc faire d’abord le chemin à l’endroit, puis à l’envers, franchir à reculons les portes de l’Hadès, pour décider enfin de la route à prendre. « To be or not to be”. J’ai  perdu le fil, disais je. Ce n’est vrai qu’en partie. Disons que le fil purement vital est un peu distendu, et qu’il y faut le secours d’une autre instance. Je cherchais ce qui pouvait relier le conscient à l’inconscient, j’essayais de retrouver le chemin des rêves et des signes. Quelque chose peut faire sens, à la manière du dieu qui désigne un autre lieu, sans donner pour autant de carte ni d’itinéraire. S’orienter c’est déjà beaucoup. Le courage fera le reste.

 

Dans l’inconscient je ne sais trop si je me vois comme un homme ou comme une femme. La traversée de la castration symbolique a fait d’excessifs ravages et m’a presque amputé de mon image virile. Peut-être suis-je un être ambivalent, un hermaphrodite, un Tirésias moderne, ni homme ni femme, mais les deux, et pas les deux tout ensemble, un être au sexe indéterminable, masculin pour l’image consciente, et féminin pour l’image inconsciente. Je me souviens d’une méditation au cours de laquelle s’est imposée à moi l’image d’un ventre troué, immense sexe béant entre les jambes, comme une déesse hindoue en chaleur, provocante et lubrique, telle qu’on les représente dans certaines traditions tantriques. Cela n’avait rien d’excitant, c’était plutôt obscène, et ce sexe-là était davantage une hideuse blessure qu’un orifice de jouissance. Cette vision n’a pas cessé de me troubler, et je me suis souvent demandé si je retrouverais un jour la conscience saine et tranquille de ma virilité. Je suis troué comme le tonneau des Danaïdes. Après cela, allez donc draguer les minettes !

 

Comment un sexe masculin pourrait il refleurir sur la béance sanguinolente ? Expliquez moi cela, je vous prie ! Le fait est que je ne suis pas femme, ni émasculé, ni androgyne. Physiquement je n’ai rien à envier à quiconque de la gent virile, et psychologiquement je suis plus ambigu que Tirésias lui même, le devin qui avait connu les deux états, à moins que cette ambiguïté-là soit exactement le statut  de l’inconscient. : ni mâle ni femelle, ni les deux, ni aucun des deux, ni tantôt l’un ni tantôt l’autre, mais une étrange disposition indéterminée qui se satisferait bien de toutes les combinaisons imaginables, dans une luxuriante perversion originelle, machine à jouir sans norme ni forme, pure libido in-structurée, erratique et sauvage. Autant dire qu’elle est socialement irrecevable, psychologiquement sans satisfaction possible, matrice de tous les fantasmes inassouvis – et de toutes les perversions !

 

Bref, il me faudra vivre avec ce trou là ! Je m’obstine à penser que c’est possible, et que l’orifice, s’il est à jamais ouvert, ne devrait pas rester si encombrant ! Après tout, cela ne se voit pas. Je ne suis pas comme ce héros de Chamisso qui a vendu son ombre au diable et qui s’étonne qu’on s’étonne lorsqu’il passe par hasard dans la rue, en plein soleil. Nos béances sont nos secrets, en général irrepérables.

 

Donc je dois apprendre à faire avec, ou plutôt sans. Mais éclairé du moins sur la nature de ce « sans », qui d’être « sans solution » pourrait faire « sens ». Vacuité originelle, plus saisissante et douloureuse que d’autres – et encore, qu’en savons nous ? - mais au moins connue et reconnue comme telle, définitive, irrémédiable, constitutive.

 

Guérir, c’est peut être d’abord renoncer à certains changements, que l’on a cru infiniment souhaitables, et qui sont enfin reconnus impossibles. Le vrai changement sera parfois de renoncer au changement.  De passer de l’attente et de l’espérance, à une virile désespérance sans reste ni regret..

 

Reste à s’arranger avec ce qui est, à s’accommoder, à faire bonne figure, quel que soit le sort. « Je suis trop stupide pour devenir Bouddha » disait, je crois, le grand Dôgen, fondateur de Zen japonais. Bien plus stupide encore celui qui s’y croit sans y être !

 

 

V

 

En me permettant de jeter aux orties soutane, bure, casaque et perruque, la dépression m’a rendu cet immense service d’un dépouillement en vérité. Je me suis offert tout nu à mes propres regards, tel que j’étais le jour de ma naissance, avec un immense savoir en plus, et la conviction de son absolue inutilité. J’avais ce sentiment étrange, presque troublant, de me retrouver enfin, débarrassé de mes costumes de confection trop étroits, aux manches mitées, aux relents aigres de naphtaline, et bons pour la vente de charité. J’étais moi tel qu’en moi même…mais un moi aux abois, délabré, écartelé et pantelant de misère. Je ne dirai rien de la souffrance qui caractérise un tel état, mais le plus surprenant était cette sensation quasi physique, au milieu même de la douleur, d’être revenu chez moi. Epreuve de vérité : voilà ce qu’il reste d’un homme qui a traversé la tourmente de la déconstruction, qui a perdu toute certitude et tout support, qui ne sait plus s’il plonge pour de bon dans l’abîme ou s’il entame une remontée salvatrice : Empédocle au bord du cratère.

 

Fin de la mascarade. Je ne jouerais plus au prof méritant, au père de famille soucieux, au conjoint attentionné, au citoyen responsable,  au thérapeute bienveillant. Je n’aurais plus à me forcer dans des rôles trop exigus ou trop larges, je n’aurais plus à sourire quand j’ai envie de bailler ou de tempêter, je n’aurais plus à courber l’échine devant des autorités contestables, je n’aurais plus à me contorsionner, me déhancher, et me contrefaire.

 

Libre enfin ! Et moi qui voulais devenir écrivain depuis l’âge de seize ans, qui ne rêvais que de poésie, de philosophie et de beaux arts, j’allais pouvoir assouvir mes passions, avec la bénédiction inespérée de la Faculté. Tel Nietzsche mis à la retraite pour incapacité professionnelle, je pourrais vivre enfin tel qu’il me plairait, aussi libre qu’homme peut l’être dans cette situation. Bientôt je pus me débarrasser de mes derniers scrupules, et, avec les mois qui passaient, je me déridais de plus en plus, assuré de n’avoir plus jamais à reprendre un enseignement que j’avais pris en détestation.

 

Je suis donc très réservé, très prudent. Et à voir mon itinéraire passé je me demande comment les choses auraient pu se passer autrement, les circonstances étant ce qu’elles étaient, et moi étant ce que je suis. Par exemple. J’aurais eu un père vivant comme le plupart des enfants, que serais je devenu ? A voir l’exemple de mes cousins je ne pouvais guère espérer mieux que de devenir menuisier comme mon père, ou charpentier, ou carrossier  comme tous les jeunes de ma famille. Il se trouve que le désir de ma mère était de faire de moi ce qu’elle n’avait pu devenir elle même : un homme instruit, cultivé, capable de briller dans le monde. Je me suis instruit, il est vrai, et j’ai aimé cela, mais je n‘ai jamais brillé, ni dans le monde,  ni dans l’Université. Je n’ai été que médiocre en tout, mais inguérissablement rêveur, détaché et insociable. « Un ours » disaient de moi mes camarades. « Un sauvage » disaient mes proches, oui, mais fier de l’être. Je mis mon orgueil à afficher cette différence au moins, qui ne me coûtait pas, à défaut d’ oser avouer les autres. J’entrai en poésie comme on entre en religion, bon à rien, fainéant et cossard, mais divinement inspiré, mais médiocrement doué. Bref tout cela ne pouvait donner qu’un ratage social de premier ordre, et il n’est pas sûr que la présence d’un véritable père y eût changé grand chose. J’aurais mieux su m’adapter à la réalité, peut être, mais en ai je jamais eu le goût ?

 

Il y a dans ma nature je ne sais quelle formidable force de contestation, une révolte adolescente qui ne passe pas et ne passera jamais, une manière de divorce originel avec le monde, un refus existentiel qui s’enracine semble t-il dans les premiers moments de ma vie. Je suis né, et j’étais contre. Contre tout, définitivement irrécupérable, hostile par principe, contestataire par vocation, réfractaire par essence. J’aurais pu devenir un asocial pervers, un délinquant, un drogué, un marginal ou un transsexuel ahuri, si j’avais eu du courage. Mais j’étais, de surcroît, un pleutre de belle facture, bien incapable de se dresser seul face à l’hostilité du monde. Et puis, je n’étais pas assez sot pour choisir la voie de la guerre déclarée, où l’individu est inévitablement broyé. De plus j’ai toujours haï la violence, et j’espérais quand même trouver un jour le moyen de me faire aimer. J’ai choisi la route du ritualisme critique, indéfectiblement attaché à ma liberté d’opinion, et désireux quant au reste de sauver le peu d’autonomie que je pouvais soustraire à la dictature ambiante.

 

Ma dépression est l’expression de ce : « Je ne veux pas de votre monde ». Je préfère la splendeur glacée de mon isolement à vos morales de petite communion. Comment renoncerais je à cette jubilation d’avoir raison contre tous ?

 

Mais je n’ai jamais rompu tout à fait. J’ai « joué » les ruptures, subodorant trop bien les dangers qu’il y avait à les consommer. Je crois qu’en toute circonstance imaginable je n’eusse pu faire autrement que de choisir cette route du milieu, du « comme si », la seule à ce qu’il semble, qui puisse sauver  du naufrage notre précieuse et précaire singularité.

 

Et peut-être bien est ce dans cette voie que se rencontrent et se reconnaissent la plupart des philosophes et poètes de tous les temps.

 

 

VI

 

Après ce long voyage de vérité je suis en mesure de dresser un état des lieux, sans complaisance ni dépréciation, voyant tout simplement les choses comme elles sont. J’ai retrouvé en quelque sorte le fondement originel, j’allais dire an-historique de mon être au monde, tel qu’il a toujours été au long de ces cinquante sept d’existence. Il y a là une originalité, une pathologie effective, mais qui peut se travailler, s’aménager, et porter elle aussi quelque fruit.

 

Trois problèmes majeurs sont apparus, auxquels il faut apporter un solution, au moins provisoire.

 

D’abord l’agressivité fondamentale, constamment  refoulée, déniée, cette « haine du réel » qui me tient inexorablement à distance de ce qui est, dans un retrait défensif, voire phobique, à la source des conduites d’effroi, d’anxiété et de stupeur. Horreur du vide, terreur des profondeurs et des hauteurs, vertiges, paniques, rêves de chute, épouvantes de toutes sortes. De cela on ne guérit jamais tout à fait, surtout si ces angoisses rencontrent une disposition abandonnique primitive, toujours prête à s’ouvrir comme une blessure . Mais en somme, cela n’est pas neuf et ne m’a pas empêché de vivre jusqu’à ce jour, au prix il est vrai, de grands aménagements, de fuites, de replis, de retraits  et de ritualités protectrices. J’ai vécu, et je vivrai certainement longtemps encore dans un espace rétréci, resserré, aménagé, quelque chose comme un Jardin philosophique conçu pour des visionnaires anxieux, des timides et des artistes  incurables. Si la psychanalyse avait pu me guérir ce serait fait depuis longtemps. Donc aucune solution à espérer : composer, pactiser avec les symptômes, et lorsque l’angoisse devient ingérable par les moyens habituels, ne pas hésiter à recourir aux médicaments. Je n’ai jamais vu qu’une attaque de panique ou qu’une angoisse dévorante ait apporté  par elle-même quelque lumière sur la vie psychique. La souffrance ne sert à rien si l’intellect est emporté par la violence des affects.

 

J’espère simplement parvenir, aidé par ma propre philosophie et celle des grands, à une certaine sérénité, une équanimité relative, qui serait déjà presque le bonheur.

 

Deuxième point : la question des idéaux du moi. J’ai voulu les ignorer, les contester, les éliminer. Mais je n’ai plus de ressources lorsqu’ils s’effondrent. Mon être tout entier s’effondre avec eux, comme si ces idéaux seuls me donnaient quelque image positive, que sans eux je n’ai plus ni assise, ni identité, ni justification à vivre. Ils sont ma colonne vertébrale, ce par quoi je  puis me rattacher à l’histoire humaine, orienter ma propre destinée dans un sens positif. Donc je ne puis m’en passer sans périr. Mais il faut essayer de modérer leurs exigences. Un idéal du moi trop élevé vous condamne au malheur de la honte et de l’autodépréciation. Il faut des idéaux, mais compatibles avec la faiblesse humaine et le déficit narcissique. Je m’applique donc à réaménager, à remanier ma psyché dans le sens d’une plus grande tolérance, souplesse et bienveillance. J’ai été beaucoup trop dur avec moi-même, confondant faiblesse et paresse, persévérance et entêtement, courage et stupidité. Comme Montaigne je reviens sagement à la médiocre condition commune et renonce  à une surhumanité de pacotille. « Rien de trop » disaient les Grecs.  Trop de vertu n’est pas vertu.

 

Enfin et surtout, il reste ce problème d’une trop grande dépendance affective à l’égard de l’objet d’amour, signe d’une persistante puérilité, et cause de beaucoup de souffrance. « Relation anaclitique » dirait Freud. Appui archaïque sur un « quelque un », qui est à la fois un et tout, et sans lequel l’existence devient impossible, fixation primitive et dérisoire  à un « objet » ou une « chose » supposés colmater le trou originel. Face à cela que peut la raison ? Vitupérer et déclamer ? Mais  quel effet ? « Le cœur a ses raisons… »

 

Quoi qu’il en soit, ces trois éléments forment système. Je puis apprendre à en atténuer l’emprise, mais je crains fort que la vraie solution fasse défaut. Il y faudrait une dissolution structurale, qui aurait raison de mon fragile équilibre. Il est trop tard pour envisager un remaniement en profondeur, qui mettrait à plat les quelques misérables restes, ou les disperserait dans le néant. Ce trou de la structure est à jamais béant et nourrit une intarissable tristesse sans cause et sans figure. Mais il est possible, jusqu’à un certain point, de vivre de la sorte, sans espoir de bonheur durable, certes, mais dans une relative sérénité, au prix de perpétuels aménagements secondaires. N’est-ce pas là le lot de la plupart des hommes ?

 

 

VII

 

 

« En haine du Réel… ». Voilà, je crois, la bonne formule. Car enfin je me suis efforcé de tout mon être à prendre la mesure du réel, d’en faire ma loi et ma logique philosophique. Il reste que je n’y parviens pas. Quelque chose résiste et freine des quatre fers. Je ne veux pas céder, je ne veux ni ne peux. Je  m’adapte parce que je ne suis pas idiot, mais en surface seulement, et pour la galerie. Et tout au fond reste intact l’enfant qui n’est pas d’accord, et qui oppose son veto dérisoire à l’ordre du monde. Quant à dire ce qu’est « ce quelque chose qui résiste », j’en suis bien incapable. C’est antérieur à toute raison, c’est l’expression charnelle, physique d’une inadéquation principielle, d’un divorce d’avant la naissance même, d’une rupture d’avant toute rupture.

 

« Je suis l’esprit

qui nie toujours.. »

 

Mais dans cette négation même c’est l’être subjectif qui persiste et signe. Le tuer c’est tuer le tout. La plupart des gens cultivent leurs symptômes comme indices récurrents de leur différence. C’est leur ultime manière de résistance, d’où la réaction thérapeutique négative. Et j’en connais qui pour avoir supprimé leurs symptômes ont basculé dans un beau cancer qui les a emportés. Il y a dans l’être humain une force de dénégation qu’il faut respecter, et qui ne peut trouver d’issue positive que dans la création. Le choix est entre l’art, la rêverie, la folie expressive d’une part, et la maladie de l’autre. Tout mon problème est de transformer ma souffrance en œuvre d’art.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Commentaires
E
Je me retrouve beaucoup dans votre texte surtout la fin. Il y a des résistances, des blocages en moi dont je n'arrive pas à me défaire. Même la raison n'y peut rien...<br /> <br /> <br /> <br /> Je suis pris entre deux logiques contraires dont je ne vois pas le bout. Empirisme ou rationalisme ? Et pourquoi pas les deux ?
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