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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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24 février 2024

CHASSES ETERNELLES

 

Si vous êtes lassés des turpitudes meurtrières de ce temps, faites donc un voyage mental dans la préhistoire, retirez-vous dans une grotte du côté de l'Aveyron, de la Dordogne ou de la Cantabrie, auprès d'un bon feu, à contempler les prodigieuses peintures murales, ces merveilleux bisons, cerfs, chevaux, taureaux emmêlés, emportés dans la course folle de la charge, de la fuite, de la chasse, sans repos, immobiles, infiniment mobiles, à vous donner le vertige ! Que pouvons-nous comprendre à cette culture disparue, anéantie par le surgissement de l'agriculture et des empires, qui pourtant a duré des centaines de millénaires ? On évoquera facilement les conditions précaires, la faim, le froid, la glaciation, les guerres de clans, l'insécurité, la mort omniprésente. Tout cela est vrai. Mais que désire le vieux chasseur à l'heure de quitter ce monde ? - Gagner "le pays des chasses éternelles", poursuivre à l'infini les errements fiévreux de la piste, du guet, la course sauvage, l'encerclement du troupeau, le jeu brutal de la lance, jusqu'à la chute de la bête éperdue, qui se rend dans son sang. Les chasses éternelles ne sont pas d'un autre monde qui vaudrait mieux, elles sont de ce monde dont le voeu intime du chasseur est de le vivre pour l'éternité. 

Et quand la bête mourait on plaçait dans sa gueule une offrande de fleurs pour assurer sa renaissance. Il fallait garantir à l'infini la perpétuation des espèces vivantes si l'on voulait continuer la chasse, qui conditionne la nourriture. Que nous voilà loin de la folie d'un Buffalo Bill, qui, en un jour, abattait à la carabine des centaines de bisons - pour le plaisir, pour épater, et peut-être aussi pour priver les Indiens de l'essentiel de leurs ressources.

Ces quelques remarques, trop brêves et décousues, me sont inspirées par la lecture d'un roman fabuleux :"Le chant du bison" d'Antonio Perez Henares. Grâce à ce livre, passionnant de bout en bout, j'ai voyagé en esprit dans l'espace et le temps, vibré aux tribulations des chasseurs,  des guerriers, mais des femmes aussi dont on sousestime généralement l'importance. La grande originalité du livre est de nous présenter l'affrontement inévitable des Sapiens (Cro-Magons) et des Néandertaliens à l'époque cruciale où ces derniers vivent leur dernier automne, avant de s'éteindre (autour de - 30000). C'est un roman, pas un traité. Mais un roman remarquablement documenté, frémissant de vie, de couleurs, un récit qui fait rêver longtemps et profondément. Mais aussi un itinéraire initiatique : en deçà des formes extérieures de la culture paléolothique, des institutions, des pratiques de chasse et de guerre, des palabres et des décisions politiques, l'auteur, par le destin singulier de son héros, nous conduit aux arcanes les plus secrètes, aux représentations cachées et aux symboles qui structurent l'univers mental des sociétés du Paléolithique Supérieur.

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Commentaires
D
Ce texte inspiré n'est pas sans me faire penser au moment déchirant d'arraisonnement de la nature décrit par Rousseau au début de la seconde partie de son "Discours sur l'origine de l'inégalité". "Le premier qui ayant enclos un terrain s'avisa de dire "ceci est à moi", et trouvant des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile". De cette folie de l'appropriation surgirent toutes les passions humaines, envie, jalousie, rivalité, paranoïa avec ses funestes conséquences : rupture de l'harmonie primitive qui unissait l'homme et les clans nomades à la nature pourvoyeuse, mais surtout, la guerre et l'inégalité généralisée. Nous y sommes toujours. Après avoir spolié les ressources, les sédentaires se confrontent aujourd'hui au retour du refoulé dans une nature dévastée souffrant d'arythmie chronique. Le souffle du bison a vécu et le murmure de l'engoulevent a déserté les grandes plaines du nord-ouest. La grande santé est du côté du nomadisme...aller voir ailleurs si on y est ou pas.
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