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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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14 novembre 2023

NECROLOGIE DE L' EIDOS

 

Eidos : aspect, forme, apparence - d'où beauté. / caractère propre, nature

Idea : aspect, apparence - classe, genre - idée.

Les deux termes, eidos et idea, renvoient au verbe voir, ce qui se retrouve en latin dans le verbe "videre", d'où nous pouvons déduire "vue", "vision" et "visage". L'eidos c'est ce qui se donne à voir dans l'immédiateté du regard.

Ce que l'on voit, spontanément, ce sont des corps : terre, ciel, nuages, arbres, animaux, humains, formes diverses à l'infini, changeantes et bigarées. C'est l'évidence (videre, voir) de ce qui est là devant moi, incontestable. Il faut une singulière disposition mentale pour mettre en doute cette simple véracité de l'apparence, y déceler un indice accablant de précarité, d'impermanence, d'incertitude : " les choses n'ont aucune stabilité, aucune cohérence, tout s'en va à vau l'eau, rien n'est assuré dans ce monde de l'écoulement perpétuel ". Et de conclure qu'il faut se détourner de ce monde si décevant, et chercher ailleurs quelque principe stable et certain, si nous désirons atteindre la vérité. C'est ainsi que l'on se détourne de l'eidos originel, de la vision spontanée et naturelle pour concevoir un autre monde, un monde de l'intellect, où l'eidos change totalement de statut pour représenter une Idée, pur être de raison, censé exprimer la nature véritable, permanente, dont les choses du monde visible, du bas monde, ne sont au plus que de faibles copies. Ce n'est plus de la beauté sensible et charnelle d'un corps que l'aspirant de sagesse va s'éprendre, mais à travers lui il visera la Beauté en soi, l'Idée de beauté, quintessence admirable qui seule mérite le véritable amour. Plus belle que toutes les femmes belles, plus belles que toutes les oeuvres belles, l'Idée de Beauté rayonne à jamais dans le ciel épuré de la contemplation.

Que cette vision platonicienne ait eu un immense retentissement historique, nul n'en doute. Mais je demanderai simplement : otez à la beauté la forme sensible, la couleur, le miroitement sensoriel, la séduction, l'enchantement, que vous restera-t-il, si ce n'est le cadavre exsangue d'un concept exténué, définition purement nominale, inanité sonore, vestige fumeux d'une absence ? Au mieux l'eidos rationnel pourra figurer au musée funèbre des chimères, dans le cimetiere ombreux des définitions.

Pourquoi cet acharnement à flétrir le corps, à diaboliser le temps, à ternir et déchirer ce qui vit de sa vie sensible, à idolâtrer la mort ? "Nihilisme" dira Nietzsche. Quant à nous, fort modestement, laissons les querelles d'idées, revenons à l'eidos naturel, au ruthmos des choses réelles, mieux encore, oublions l'eidos et l'idea, épousons le mouvement, laissons-nous éblouir ou charmer par le jeu des apparences, qui ne sont ni vraies ni fausses, et se contentent d'apparaître.

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