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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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14 avril 2023

VACANCES PERPETUELLES !

 

Vacances perpétuelles !

Dans mon précédent article j'avais l'intention de parler de tout autre chose que ce dont j'ai parlé. Je me suis laissé entraîner dans un sillon inattendu, à croire que l'intention, quand on aborde un sujet, n'est nullement décisive et que d'autres forces sont à l'oeuvre, qu'on ne connaît pas, et qui décident pour nous. Il n'y a plus qu'à suivre, sans rechigner, et vogue la galère. C'est en quoi écrire est intéressant : l'écrivant, au bout du texte, se découvre autre, différent de l'image qu'il se faisait de soi, en quelque sorte nouveau, pour soi et pour les autres. Cette voix intérieure, qui décide pour moi, me surprendra toujours, car en un sens elle est meilleure que moi, inventive, spontanée, imprévisible, rebelle et primesautière. Encore faut-il apprendre à se laisser faire, comme d'une amante, capricieuse mais fondamentalement fidèle : si elle m'abandonnait tout à fait je serais totalement démuni - comme cela m'est arrivé de longs mois durant où j'ai pu expérimenter les affres du désert.

Après  la soixantaine, libéré des obligations de l'enseignement, je me suis jeté à corps perdu dans l'écriture. J'avais tant à dire, tant à rattrapper. Je n'avais vécu jusque là que d'attendre ce moment où je pourrais sacrifier sans mesure à mon démon intérieur. Eh bien j'y étais. J'ai écrit pendant vingt ans, sans discontinuer, empressé, anxieux, jaloux du temps qui m'était imparti, avec la crainte d'en manquer, le refus de le gaspiller, économe et cauteleux à l'excès. Les Muses m'ont favorisé de leurs grâces : j'ai donné forme et contour à ce monde tourbillonnaire qui grouillait en moi, je me suis rendu sans reste à la nécessité intérieure, et tant pis si ce travail monumental n'a intéressé personne en dehors de moi. On écrit peut-être pour rencontrer l'autre, mais au premier chef c'est pour soi que l'on écrit.

Et voilà que je suis en vacances ! Devoir accompli. Je dis devoir, mais en un sens très spécial : ce n'est pas un devoir social ou professionnel, c'est la conscience aiguë de ce que l'on se doit à soi-même. Un peintre se doit à la peinture, un poète à la poésie. Et là, toutes choses faites et dites, je me déclare vacant, au registre des abonnés absents. Vacant je puis vaquer, et vaguer à tout ce qui me chante, écrire ou ne pas écrire, écrire au gré et à l'humeur, muser et m'amuser, apprendre aussi à ne rien faire, à faire rien, à ne créer que du rien, qui n'est que le revers vacant de la chose.

"Pas quelque chose" : c'est là une formule difficile qui indique à la fois le vide (la chose n'est pas là) et la référence obligée à la chose. Régime moyen, entre ceux qui sont obnubilés par les choses, les producteurs et les marchands, et ceux qui croient pouvoir hanter le non-être ou le néant. Mais le néant est impensable et impraticable. Reste le monde vaporeux des phénomènes qui ne sont pas quelque chose sans pour autant n'être rien.

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