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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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3 avril 2013

De l'AUTRE BARRE

 

 

Que signifie l'Autre barré? J' y vois, quant à moi, plusieurs explications qui se réjoignent.

La première, c'est que l'Autre est barré pour moi. Qu'il est inaccessible. "Ce que veulent les dieux, l'homme ne saurait le savoir" disaient les Grecs. Et les Chrétiens : "Les voies de la Providence sont impénétrables". C'est souligner le fait, qui énonce un interdit majeur, que l'Autre n'est pas un semblable, qu'il est d'une autre nature, infiniment respectable et sacrée.

La seconde que l'Autre est inconnaissable comme tel, mystérieux, échappant à l'ordinaire savoir des hommes.

La troisième, et voilà qui est moins banal, qu'il est lui-même incomplet, percé d'un manque structurel, incapable de se justifier par soi, que d'une certaine manière il existe sans exister. Maître Eckart parlait de Dieu comme d'un "vide", d'un "rien", Dieu ayant besoin de l'homme autant que l'homme avait besoin de Dieu. Il est vrai qu'à toute question que l'homme lui pose : - que me veux-tu?- l'Autre ne répond que par un silence angoissant, ce qui fait que dans une certaine psychologie du sacrifice le sujet ne parvient jamais à savoir que faire, ruminant une interminable culpabilité. D'où l'idée que l'Autre manque à me satisfaire autant que lui me désespère : déception double, double incomplétude.

C'est dans la poétique de Hölderlin que ces thèmes apparaissent pour la premièe fois en pleine clarté : les dieux sont morts, Dieu lui même "a détourné des hommes son visage", jetant l'humanité dans le désarroi de la mémoire et de l'oubli : l'infidèle fidélité. Lorsque Nietzsche déclarera que "Dieu est mort" il prend acte de la disparition d'une certaine forme de religiosité, sans que pour autant la question de l'Autre soit abolie : "Seul le Dieu moral est réfuté" confie-t-il par la suite.

On peut en conclure ceci : l'Autre existe sans exister, il est un lieu psychique, non une idole, une déité, une Idée métaphysique. Il existe comme référent non comme substance. On peut le dire "vide" si l'on veut, à condition de lui reconnaître un statut. Il évolue dans sa forme en fonction des mutations culturelles. Il est nécessaire, d'une nécessité purement structurale, alors même qu'il ne saurait se ramener d'aucune manière à notre perception ni à notre intellection. Il présentifie la loi fondatrice alors même que l'énoncé de cette loi ne se trouve nulle part totalement explicitée : c'est la loi du langage qui organise les rapports entre les hommes et les rapports de soi à soi.

 

 

Si d'aventure on se mêle de faire "consister" l'Autre, c'est à dire de le définir comme substance, de lui prêter un discours totalitaire "Dieu a voulu que...", on basculera dans l'idolâtrie, l'idéologie religieuse avec ses distorsions maléfiques, ses Inquisitions et dispositifs théocratiques de répression, voire dans le fanatisme. Nous n'en aurons jamais fini, hélas, avec les interprétations délirantes où l'homme s'identifie sans retenue avec une instance souveraine à laquelle il attribue sans vergogne ses propres obsessions.

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Commentaires
A
Maître Eckart parle de vide à propos de Dieu, et je ne suis pas sans repenser à l'Un ineffable de Plotin.<br /> <br /> Mais mon esprit n'est que peu dans la transcendance, alors je dirais que l'Autre barré, ce sont aussi tous nos semblables qui sont censurés par des politiques qui se prennent pour Dieu.<br /> <br /> Bonne soirée!
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