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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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26 novembre 2012

DEMYSTIFIER la CONSCIENCE : BOUDDHA

 

 

 

 

DEMYSTIFIER la CONSCIENCE : texte corrigé

 

 

Nous disons « la conscience », par commodité, mais cela n’est pas innocent : comment éviter dès lors de substantifier, de réifier la notion, comment ne pas finir par croire qu’il existe en nous une instance particulière, autonome, et souveraine, qui nous permettrait de gérer le comportement, de régler les dissensions internes, de fonder la liberté ? Et voilà que notre conscience hérite, comme par hasard, des attributs régaliens de l’âme, cette « chose pensante » dont parlait Descartes. Un pas de plus, et voilà le vieux fantôme de l’immortalité qui refait surface : mon corps est périssable, mais s’il existe une pérennité, seule la conscience pourrait en être le véhicule. Et voilà nos mystiques en quête de preuve, par exemple dans les « états de mort imminente », expectant le fameux tunnel de lumière, au bout de la nuit, et la voix qui nous rappelle à la vie !

Il n’existe pas  de conscience en soi, toute conscience est conscience de quelque chose : un objet, une sensation, un sentiment, une idée. Hors de quoi il ne se passe rien. La conscience est une activité mentale qui enregistre une modification physiologique ou psychique. Ce qui signifie qu’en dessous d’un certain seuil la modification est infra-consciente, ne produisant pas d’effet enregistrable, comme pour les infrarouges, ou les ravages insensibles d’un cancer débutant. Ce point a été de longtemps établi par la neurophysiologie. Nous ne percevons qu’une gamme fort réduite de stimulations, ce qui signifie que le corps (le système nerveux) gère la plus grande part des processus  corporels et psychiques sans que nous en ayons la moindre conscience. La conscience apparaît ainsi comme un système d’enregistrement sélectif, incomplet, relevant de multiples conditions, physiologiques, chimiques, électriques, psychiques, culturelles, environnementales.

Pour qu’il y ait conscience il faut un appareil sensoriel, un stimulus, un rapport entre les deux. Si l’une de ces conditions manque il n’y a pas conscience. Sans oeil pas de vision, sans stimulus lumineux pas de vision, en dessous ou au dessus d'un certain quantum de fréquence, pas de stimulation, donc pas de rapport, pas de vision. L'acte de conscience s'effectue dans un champ restreint, mais impératif, de conditions objectives, - et subjectives si l'on veut à toute force maintenir une catégorie de sujet qui n'est pas indispensable à notre propos. Nous décrivons ici un conglomérat d'appareils sensoriels, agrégat d'agrégats, structure plurielle, polymorphe, pré-individuelle et "collective", plutôt qu'une subjectivité personnelle.

Il y a autant de consciences que d’appareils d’enregistrement : on parlera dès lors de conscience visuelle, de conscience auditive, gustative, olfactive, tactile. Les Bouddhistes estiment que le mental est le sixième et décrivent une conscience mentale : rapport entre un stimulus mental et une surface mentale d’enregistrement. Si une violente émotion se lève en moi j’en prends conscience de la même manière que d’un coup qui me serait porté en pleine poitrine.

La conscience n’est pas une mais plurielle, non pas synthétisante mais distributive, nullement souveraine mais relative : en toute rigueur il ne faudrait pas parler de la conscience mais des consciences, et ajouter que ces consciences elles-mêmes n’ont rien de fixe, de stable, d’autonome. Pluralité et impermanence. De quoi ruiner toute conception idéaliste qui ferait de la conscience le siège d’une autonomie souveraine.

Ces consciences, ou plutôt, ces opérations de conscience, ne peuvent être séparées des autres agrégats : corps physique, sensation, perception, volitions. C’est leur mélange, leur combinaison, leur interaction permanente qui nous donnent le sentiment de continuité temporelle et psychique, nous incitant, avec le concours du désir d’exister encore et encore, à imaginer un Moi stable, permanent, identique à soi à travers le temps. Dans cette aimable illusion narcissique, si naturelle, si native et quasi invincible nous nous confortons nous-mêmes en évitant soigneusement d’observer toutes les marques, pourtant évidentes, du changement dans toutes les composantes physiques et psychiques, en fuyant, niant, refoulant toutes les manifestations de l’impermanence .  Spontanément  « la conscience », loin d’être véridique, se met au service de l’illusion. Ce que soulignera fort bien Freud (les illusions de désir) et que Bouddha qualifiait du terme générique d’ignorance.

Démystifier la conscience est d’une importance cruciale. Non pas en fonction de quelque négativisme destructeur mais pour faire place nette à l’observation scientifique et rationnelle.  Qu’est-ce que la sensation ? Comment se produit la sensation ? A quelles conditions ? Quelle en est la durée ? Quelle sont les conditions de sa cessation ? Faut-il rechercher les sensations agréables, s’il est patent qu’aucune sensation ne dure ? Que faire des sensations désagréables, si toutefois on peut imaginer d’en « faire » quelque chose ? Et ces questions se poseront de même pour les perceptions et les constructions mentales. Ce dernier point appelle un développement ultérieur.

Avec ces questions nous sommes au cœur de la vie humaine, de la corporéité, de la sensorialité, de la sensibilité, et plus encore, du désir  -  des conditions du malheur et de la félicité.

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La conscience commence ou le mental s'arrête.
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