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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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17 avril 2009

DE LA LECTURE

Que de livres! Et dans cet immense amas, que choisir? Essayez l'expérience suivante : avant de vous expédier en solitaire sur une île déserte pour une durée indéterminée on vous accorde le droit d'emporter dix livres. Lesquels choisirez-vous? C'est déjà très difficile si vous aimez lire! Passons à cinq. Cela relève de la torture! Et puis, un seul! Là c'est franchement l'horreur.

J'y ai réfléchi quelquefois et je balançais entre "Les Trois Mousquetaires" et "Les Essais" de Montaigne. Finalement, comme choisir c'est éliminer, je me décidais pour les "Essais", philosophie oblige. Et puis dans les Essais vous avez à peu près tout ce qui s'est pensé et se pense de l'Antiquité à nos jours. Et mes chers Héllènes, je les aurais indéfiniment sous la main, tous cités, commentés, explorés, auscultés et exhibés par cet excellent Michel, avec en prime ses propres ratiocinations, si lègères, virevoltantes, et si fécondes!

J'aimais énormément la lecture dans ma jeunesse. En quelques dix ans j'ai dévoré une quantité impressionnante de romans historiques, d'aventures, d'explorations, et autres. J'ai beaucoup lu les poètes. Schopenhauer dans ma dix-septième année. Et puis encore des romans. Surtout policiers et psychologiques. Après ce fut la découverte de la psychanalyse, en laquelle je peux me flatter d'avoir une solide connaissance, et une longue pratique. Et depuis, presque plus rien.

Lire me devient pénible. Comme j'ai moins d'énergie il me faut souvent choisir entre lire et écrire. Le choix s'impose de lui-même. Ecrire est ma joie souveraine, je dirais presque ma raison de vivre. En tout cas une passion positive si intense que je ne saurais envisager sans déprimer une existence où écrire me serait interdit ou impossible. Je serais dans la peau de l'écrivain qui hésite entre une vie sans création et le suicide. Mais une vie sans création est déjà une sorte de suicide. Ne me demandez pas d'où me viens cette rage d'empiler des feuilles noircies, de gribouiller frénétiquement sur tout ce qui peut tenir un poème ou une page de prose. C'est ainsi, voilà la seule réponse que je pourrai donner. "Parce que c'était lui, parce que c'était moi" disait Montaigne à propos de son amitié indéracinable pour La Boétie. Ainsi de moi. Certaines passions sont "comme consubstantielles à notre être", pour paraphraser encore Montaigne.

Que le lecteur me pardonne. Mais à tenter de lire malgré ma fatigue j'éprouve souvent  le sentiment de déjà-lu, déjà connu. Peu de livres me font réagir aujourd'hui. Et à dire vrai je somnole plus que je ne lis. je picore cè et là quelque passage, espérant sans trop ycroire pêcher quelque poisson insolite. Mais les poiussons se font rares. Le lecteur criera à la prétention., à la suffisance, ou à quelque déformation mentale. Il n'en est rien. La raison en est plus subtile : les vérités fondamentales, une fois bien cernées et intégrées, vous détournent du bruit et des gesticulations livresques, des fantaisies sans contenu existentiel, des parades narcissiques et autres follâtreries sans consistance. A moins qu'elles ne soient savoureuses, goûteuses, douces au palais, stimulantes et roborantes. Le poème, de ce point de vue, est la quintessence de l'art d'écrire. Pas un mot de trop, aucune description, aucune lenteur ni lourdeur, mais le trait vif et fin qui esquisse, comme le haïku ou le tanka, un univers jailli du cri d'une chouette. A cet égard les poètes orientaux sont indépassables.

Les romans m'ennuient presque toujours. Je referme le livre au bout d'une demie heure, et le lendemain je ne me souviens plus de l'intrigue, ni des personnages. Autant s'arrêter. Peut-être que la connaissance dévalue et déprécie l'imagination. Je prèfère encore voir un film. Cela prend peu de temps, et si on oublie tout à mesure cela n'a guère d'importance. Ce qui compte c'est l'impression, l'intuition fondamentale. De ce point de vue je ne suis ni un esthète ni un liseur, ni un cinéphile. Je n'ai pas de vraie culture dans ces damaines. Je papillotte et je me plais ainsi. Libre de suspendre, de surseoir, de reprendre, ou d'oublier. Qu'importe le savoir. Une oeuvre est un levier, ou n'est rien du tout.

Je me résouds progressivement à mon incurie. Je ne me suis que trop forcé dans l'exercice, par ailleurs assez stimulant, de mon ancienne profession. Il me devient de plus en plus doux de laisser flotter mon intelligence au fil de l'impression sensible, sans trop chercher à comprendre, et surtout sans vouloir retenir quoi que ce soit. Les idées et les sensations défilent dans un cerveau fatigué, et en défilant de la sorte, en s'esbaudissant et follâtrant, elles rafraîchissent progressivement mes neurones, décrassent mes souvenirs, apurent mes émotions et me donnent une satisfaction facile, douce et bienfaisante. C'est là , je pense, le résultat positif de la méditation assise, mais aussi de mes expériences en relaxation et hypnose thérapeutique.

Certains médisants traitaient Epicure d'inculte. Mais cet inculte-là avait étudié tous les philosophes de son temps, s'en était imprégné puis dégagé pour créer sa propre philosophie. De plus il a écrit quelques trois cent ouvrages, régalé ses disciples de son immense expérience et fécondé des siècles de recherche. De cette inculture-là j'aimerais bien me rendre digne!

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