SOURCE
Heureusement né
Déjà il déchire les enveloppes
Il court,
Arc et flèche, à la source près du bois
Où chantent d'étranges voix
Pareilles à celles qui résonnaient autrefois
Dans le giron de sa mère.
Mais les voix sont plus fortes, plus aiguës
Stridentes quelquefois, douces tantôt
Parfois il rêve au bord de l'eau, parfois
Comme pris de fureur extatique il danse
Contorsionne le buste et les bras et la tête
Puis s'apaise à nouveau et s'étend sur la mousse
Sans comprendre d'où vient cette fureur exquise
Cette latence et cette frénésie
Tout au bord du vertige. Il ne sait pas
Que c'est la voix, la voix sans origine
Qui monte de la source
Qui monte de son corps, qui l'enivre
Transi de nostalgie, de secrète terreur
Avec pourtant je ne sais quoi de doux, de suave qui le rive
Ici, aux bords des sources, auprès d'une ombre
Morte-vivante
Réminiscence obscure et déchirante
Effroi, saccage et mélodie.
C'est près des sources que naissent les poètes.