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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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16 novembre 2008

LUMIERE DU SUD

Lumière du Sud me voici!

Si longtemps j'ai rêvé de toi

Si longtemps j'ai nostalgie de toi

Enfin je te retrouve ô bienheureuse

Pour me dissoudre enfin dans ton ardeur

Et dans l'azur épouser l'infini!

PS : Petite digression :

Depuis l'adolescence je suis hanté par ces deux  vers de Goethe :

"Que je me sens joyeux à Rome quand ce pense à ces temps

Où un jour de grisaille m'entourait là-haut dans le Nord"

Excédé de soucis administratifs, Goethe s'était enfui en pleine nuit vers le sud, à Rome, où il retrouva le goût de la beauté et de la sensualité. Comment ne pas étouffer à la longue sous les climats septentrionaux quand on porte en soi une âme d'artiste? Si je descends quant à moi dans le sud, poussé par je ne sais quelle nostalgie invincible, c'est moins pour la chaleur, que je ne supporte guère, que pour la splendeur incommensurable d'une lumière généreuse, bienfaisante, roboratrice.

Me revient aussi, plus nécessairement encore, l'image de Hölderlin traversant en voiture de poste, et plus souvent à pieds,  les froidures du pays de France pour se rendre à Bordeaux, occuper une fois de plus, pour survivre, un poste de précepteur dans une famille aisée. Et je l'imagine, rageant de se voir traité en domestique, lui, sans doute le poète le plus original de son temps. Il écrit à son ami Bühlendorff qu'il rencontre ici des hommes trempés par un climat méditerranéen, rudes à la tache, vigoureux et déterminés. C'est que pour notre poète Bordeaux c'est le sud,  c'est la Grèce, c'est Athènes ou Corinthe! Il révise ses conceptions sur l'Antiquité, se résoud pour de bon à la mort des dieux grecs, et parle à présent d'un "retournement catégorique" par lequel il se propose résolument de conquérir l'esprit de son temps et de lutter pour une poésie intégrale, digne des anciens, mais toute différente, selon l'esprit d'une infidèle fidélité. Le malheureux rentrera en Souabe, méconnaissable, défait, et plus génial que jamais. Dans le sud, selon ses propres termes, "Apollon l'a frappé" sans préciser s'il s'agit de folie ou de génie, les deux sans doute.

Pour moi, je ne pense plus partir d'ici. J'ai observé en moi quelques changements assez remarquables qui m'éloignent à jamais de la compétition littéraire, du souci de la reconnaissance et de la volonté. J'entends couler des jours tranquilles, entre la contemplation du ciel, des nuages et des collines, la création libre selon les goûts du coeur, la sieste, les longues rêveries de pipe et de vin aromatiques, la méditation et la promenade.

Ici règne Appolon. Mais Dionysos n'est jamais loin. Les ombres jouent avec la lumière. Les montagnes dressent au loin la gravité olympienne de l'immortalité. Et la lumière, la lumière! Partout, fière, enlumineuse, fracassante parfois, omniprésente et tantôt d'une douceur feutrée, animale. En pleine ville on est toujours saisi par le rayonnement d'une végétation généreuse qui mêle le nord et le sud, d'une nature jamais perdue ou lointaine. Proximité des dieux, dans les feuillages, dans les ombres, dans les parcs, dans les arbres et les fleurs. A quelques centaines de mètres les sangliers, les cerfs, les biches, les coqs de bruyère, et toujours quelque milan ou buse tournant en cercles dans le ciel!

Dionysos est plus discret. Mais partout sa parure, sa pature se déploient en or et ambre sur les collines ensoleillées : le vin est l'âme de ce pays, souple, soyeux, riche d'arômes, et qui fait rêver de Samos et d'Attique! Et lentement je prends conscience d'une sorte de destinée personnelle. Mon père est né en Silésie, à l'autre bout de l'Europe. Je naquis en Alsace, entre deux mondes, deux cultures qui me sont chères, et me voilà, rompant toute attache avec l'Est et le Nord, dans une région absolument nouvelle pour moi, aux antipodes de la Pologne! J'aurais pu finir en Grèce ou en Italie, mais je n'ai plus le goût d'apprendre de nouvelles langues. Et j'aime ce pays de France, sans l'idolâtrer. Je vis près de grands souvenirs et de grandes mémoires : D'Artagnan, Cyrano, Montaigne, La Boétie. Près de chez moi s'ouvre l'immense océan et ses appels tumultueux. Mais je suivrai Lucrèce  : " Suave mari magno ... ". Ici, entre mont et mer, colline et plaine, j'édifierai mon jardin philosophique. Et pour dire vrai ce jardin fleurit déjà dans mon coeur.

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