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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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21 mai 2008

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L'analyse doit être nuancée pour la névrose. Car si en un sens la névrose est bien l'envers de la perversion, comme le soutenait Freud, les deux structures sont malgré tout bien différentes. Le névrosé rêve de perversion, comme fait inlassablement Sade dans sa prison, fantasmant et écrivant, mais sans avoir jamais les moyens de ses fantasmes. Si le fantasme du pervers est figé, celui du névrosé n'est pas très souple non plus, mais dans son histoire subjective il peut connaître des chutes et des effondrements qui sont autant d'occasions d'interroger la structure de base, et permettent, en théorie du moins, de modifier sa place par rapport au fantasme. De ce point de vue une dépression réactionnelle et passagère peut être paradoxalement une bonne occasion de modifier l'organisation psychique ( voir Fedidda : "Des bienfaits de la dépression"). C'est bien en quoi la névrose reste malgré tout l'image ordinaire de la normalité.

Dans la mélancolie, tout au contraire, nous avons vu se désagréger le fantasme organisateur, en tout cas en période de crise, avec cet étalement corrélatif, cette destructuration qui prêtent à toutes les issues imaginables : brusque inversion de l'humeur en état maniaque, automutilation ou autopunition, voire suicide. Rien de plus inquiétant que l'état d'un mélancolique qui brusquement se sent guéri : rémission, aggravation, inversion de l'humeur, suicide imminent? On voit que cet ordinaire inconsistance du fantasme peut soudain "prendre", comme on dit de la mayonnaise, et provoquer un délire, ou induire des conduites à risque, soudaines, démesurées, irréalistes comme des achats en série, des déplacements soudains au bout du monde, des ruptures affectives, des actes de violence, voire des bouffées délirantes. On dirait, à la limite, que dans la mélancolie le renversement maniaque est presque fatal, comme si le sujet balançait sans fin entre le fantasme qui ne prend pas, ce qui le jette dans l'asthénie, - et une soudaine solidification du fantasme qui le précipite dans des convictions quasi délirantes et des conduites dangereuses pour lui et les autres. Labilité, disais-je hier. Inconsistance, latence interminables avec, chez beaucoup, de brusques éruprtions volcaniques dévastatrices.

Je ne sais ce qui est pire : l'état maniaque, ou hypomaniaque, ou l'état dépressif chronique, ou les alternances perpétuelles. Aujourd'hui, suite à la psychiatrie américaine, on classe par symptômes. On  a tendance à négliger la recherche psychogénéalogique ou psychodynamique au profit d'une classification qui guidera l'action chimiothérapeutique. Du coup ces maladies perdent beucoup de leur intérêt et de leur signification existentielles pour être rangées au musée international des symptômes cliniques. Où est passée la personne avec son histoire unique, sa subjectivité et sa souffrance indicible? Le rôle déterminant du fantasme, dans cette approche mécaniciste, est totalement scotomisé, et le sujet par la même occasion. C'est paraît-il une psychiatrie qui est efficace. Peut-être bien. Je ne suis pas contre le médicament, je sais tout ce que je lui dois. Mais je doute qu'il soigne le fantasme, le désir et l'inquiétude d'exister.

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