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Le dieu fait signe : on pourrait traduire: l'inconscient nous parle. Mais c'est là encore une réduction, psychologisante cette fois, et je crains qu'on n'ait que trop trituré les productions oniriques dans tous les sens imaginables, sans parvenir jamais à cette "science des rêves" que souhaitait Freud. J'ai moi-même beaucoup donné dans ce travers, et s'il est vrai que tel rêve vous met pour ainsi dire en face du réel pur, la plupart sont de pauvres divagations pour esprits fatigués. Les Grecs estimaient que les dieux nous parlent dans les rêves, ce que j'approuve si l'on admet que les dieux sont les puissances éternelles de la nature qui nous travaillent "au corps pendant le sommeil. Mais ces dieux peuvent être fatigués eux aussi et ne nous livrer que de pauvres résidus. Bref, il y a beaucoup de sorte de rêves et c'est chimère que d'en vouloir tirer du vin de Samos! Mais certains d'entre eux sont si fulgurants que, comme de la poésie comparée à de la prose de journal, ils témoignent d'une sorte de magnificence quasi divine. Première règle : par rapport à la prose le poème est comme du vin de Samos.

Rareté du poème. Abondance de la prose. Quelques vers de Baudelaire ou de Rimbaud. Que dire de plus? La conséquence immédiate est terrifiante : celui qui vient après a le sentiment oppressant d'une inévitable répétition, en pire généralement. Pourquoi refaire Rimbaud? Et que dire qu'il n'ait dit? Abstenez-vous, amateurs de poésie, tant que vous n'avez pas entendu en vous la voix absolument originale qui est la vôtre, et que nul n' a entendu avant vous! Mais alors direz-vous. Il n' y aura plus de poètes. Serait-ce si grave?  Mais si la poésie vous tenaille vraiment, si vous ne pouvez vous passer d'écrire, écrivez, mais évitez de publier -il est vrai que le risque est mince! - et attendez, peut-être indéfiniment, la voix intérieure, vraie comme un songe, qui vous révèlera votre destination mortelle.