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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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26 octobre 2007

Le TREPIED de la PRATIQUE

Commençons par écarter le travail qui n'est que le moyen d'assurer sa subsistance en même temps que celle de la société civile. Marx a définitivement établi que le travail est au sens strict le domaine de la nécessité, sur le quel doit s'édifier le domaine de la liberté. Il ajoutait d'ailleurs que la réduction de la durée du travail était une condition expresse de l'accès à la liberté pleinement humaine. Le travail est nécessaire, mais il n'est pas nécessaire de travailler jusqu'à ce que mort s'en suive, en épuisant toutes ses facultés dans une activité métaphysiquement seconde, et toujours partiellement aliénée.

Cette réserve faite, que signifie "agir" philopoiétiquement, ou philothérapeutiquement, c'est à dire selon l'esprit de la liberté créatrice?

Méditer, écrire, converser: ou si on préfère : l' activité philosophique solitaire de pensée, de réfléxion, de lecture, d'examen personnel, d'analyse et de synthèse.

Ecrire, mais cela n'est pas toujours indispensable: Bouddha et Pyrrhon n'ont rien écrit directement mais ils ont inspiré une immense littérature. Pour certains, comme Montaigne et Nietzsche, la pensée ne peut se structurer pleinement que dans l'acte d'écrire. Peut-être qu'écrire n'est-il qu'une modalité particulière du penser. Mais selon ma propre expérience, toute relative d'ailleurs, écrire est plus que penser bien et ferme: il y a dans l'acte d'écrire je ne sais quoi de magique et d'exaltant qui donne à cette activité une intensité débordante et magnifique. C'est peut-être là que la poésie se distingue de la simple philosophie qui ne vise que la transmission des idées. A chacun de trancher ce débat selon sa propre complexion.

Converser, échanger, dialoguer, "conférer", "limer sa cervelle contre celle d'autrui". Les Anciens estimaient que c'était là l'acte philosphique par excellence, non pas le cours didactique ou la leçon unilatérale et savante, mais la "dispute" avec une intelligence, un être pleinement humain et désireux de se risquer dans cette aventure singulière d'un dialogue sans concession ni complaisance. Dans le Canon Boddhique on nous présente d'innombrables entretiens du maître avec des paysans, des nobles, des rois, des courtisanes, des guerriers, des fils de famille, des brahmanes, des lavandières et tout ce que l'on voudra. Chacun est considéré a priori comme susceptible d'éveil, appelé à la vie bonne et heureuse. Et que dire du Jardin d'Epicure, cette admirable communauté d' hommes philosophes, de femmes et de courtisanes gagnées à la liberté de pensée, de jeunes gens de toute classe, d'esclaves mêmes, chacun, pour peu qu'il le désire vraiment, devenant un "ami" dans la société des amis! Et toute la tradition, enfin, de la psychotérapie qui ne peut se déployer que dans la "clinique" c'est à dire "l'ëtre-couché" de celui qui se confie, couché ou non, au bienveillant thérapeute des âmes(et des corps). La forme moderne du cours universitaire ou de la conférence est un succédané assez pénible et radoteur d'une vivante tradition ancienne. Inutile de chercher pourquoi les élèves se morfondent en cours! Quant au café-philo, malgré ses risques et ses dérives possibles, c'est quand même une tentative lumineuse de renouer avec l'échange libre de la philosohie antique.

"Mes pensées dorment si je les assieds" écrit Montaigne. Quant à Nietzsche il se gausse des "culs de plomb", lui qui écrivait l'essentiel de ses aphorismes en marchant, en gravissant les cimes et dévalant les pentes! Zarathoustra est un fils du ciel et de la lumière. Et Epicure ne peut se concevoir pleinement que sous le ciel athénien. Encore ce ciel, surtout intérieur, peut-il se répandre sous d'autres climats, selon la qualité des amis qui partiquent!

On voit qu'il est aisé, pour peu que le travail ne mange pas toute la vie, et que les occupations inutiles ou oiseuses ne croquent le temps libre, ("La vie heureuse nous appelle et nous mourons tous affairés" Epicure), de pratiquer la vie philosophique si l'on est sûr de ce qui importe vraiment dans l'existence. Méditer, penser, lire, écrire éventuellement, converser, dialoguer, "conférer", tantôt seul, tantôt avec les amis ou les êtres de rencontre, tantôt assis, tantôt debout, tantôt marchant et badinant, tantôt voyageant et tantôt sédentaire, tantôt préoccupé et le plus souvent serein, voilà de quoi alimenter une pratique vivante, toute de poésie, de bonheur physique et de plaisir.

J'ajoute enfin que si l'Occident nous a familiarisé avec la réflexion consciente et volontaire, nous devons à l'Orient toute la gamme des exercices psychophysiques du Yoga ou du Taï Chi qui mènent tout naturellemnt à la méditation proprement dite. Celle-ci ne doit pas être confondue avec la réflexion consciente. Elle est ce paisible abandon à la vie intérieure d'où surgit parfois l'éclair d'une illumination, ou pour le moins, d'une vision pénétrante. Aussi ne puis-je plus concevoir la pratique de la philosophie sans l'apport constant, régulier, assidu de la méditation. On découvrira de la sorte que réféchir et méditer sont également indispensables et fructifiants. En fait toute la pratique philosophique est à réinventer de la base au sommet. Mais je sais aussi qu'il n'est à peu près personne pour écouter de tels propos. GK

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