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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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4 juin 2007

Des désirs

Epicure distingue trois catégories de désirs: les désirs naturels et nécessaires, les désirs naturels non nécessaires, les désirs non naturels non nécessaires. On voit que le pivot de cette réflexion se situe sur l'axe problématique: nature et nécessité. Comme pour les autres Grecs la nature reste la référence absolue. Le grec ne pense pas à partir de l'ego (cf Descartes : je pense donc je suis) mais à partir de cette évidence antérieure et indépassable, cet horizon de tous les horizons, ce fondement de tous les fondements: le cosmos. "Je" vient bien plus tard, dans l'affleurement de la conscience qui s'étonne de l'immensité sidérale - et sidérante. La première évidence , c'est le ciel, et la terre, conjoints dans l'horizon. L'homme dans la nature rencontre la nécessité, entendons les lois du corps, la loi des corps (Rappelons qu'il n'est rien en dehors des corps dans la nature, si ce n'est l'atome et le vide). La loi des corps c'est le contact, la rencontre et la distance: manger pour survivre, boire, dormir, se protéger, construire son nid, rencontrer le partenaire , se reproduire, comme tous les vivants: zoologie universelle, ou, si l'on préfère: éthologie. L'éthique est une éthologie.( "Deleuze") de là les figures du besoin et du désir

Le désir naturel et nécessaire, c'est en effet le besoin, ici affirmé tranquillement comme fondement, j'allais dire" le début et la fin". S'occuper de son ventre. Rien de déshonorant à cela, Epicure le rapelle à chaque page. Par là nous pouvons prendre place dans le cosmos, du moins dans ce cosmos proche qu'est le village ou la cité. Notons ici une tendance naturaliste très forte, une distanciation critique vis à vis de la culture, mais sans rupture. L' épicurien ne vit pas dans les forêts comme les ours et les anachorètes.

Désir naturel et non nécessaire : naturel encore, mais moins  "animal", le désir de la société des hommes, du divertissement théatral, de la musique, des arts, des rencontres amicales. Désir humain par excellence, mais déjà moins "pur", plus "mêlé", plus susceptible de corruption ou d'altération, ou de dépendance. Déjà les passions guettent, et leur lot d'illusions dévatatrices ou bienfaisantes. La sexualité sera rangée dans cette seconde catégorie. Naturelle, certes, mais pas nécessaire. On peut vivre sans mignon, sans femme ou sans courtisanes. Epicure lui-même, à notre connaissance, n' a rien d'un ermite. Il ouvre un Jardin, reçoit les amis et les prostituées converties à la philosophie. Il vit en couple. Tout ce beau monde ignore la morosité de l'ascétisme. Mais aussi: méfiez-vous des relations sexuelles, certaines vous entraînent à l'addiction, vous font perdre ce bien inestimable qu'est l'autarcie (se commander soi-même). Donc, pas de mépris, pas de rejet, pas de condamnation morale, pas de préjugés sexistes, mais prudence: mieux vaut la solitude, et surtout l'amitié que la dépendance.

Et enfin tous ces désirs non naturels, non nécessaires comme l'ambition, la "montre" en public, le désir de reconnaissance, de gloire, de conquête, d'argent, de puissance - et même de culture. Méfiance à l'égard du politique. Retrait, resserrement sur le local, le ici-et-maintenant, pour goûter un petit vin, un fromage de brebis, et surtout pour philosopher entre amis. Vivons retirés, plutôt que cachés, car il n' y a rien à cacher. Tout homme honnête reconnaîtra la loyauté, la beauté de la vie épicurienne. Ici pas de dévots, pas de luxurieux, pas d'ambitieux ou de séditieux. Dans la clarté apollinienne, un vie claire et belle, à l'image des dieux immortels.

L'univers n' a que faire de nous. Les dieux ne s'occupent que d'eux-mêmes. Nous pouvons observer la nature, et y trouver une sorte de rythme, de régulation, entre deux déchaînements. Dans le tourbillon cosmique le sage cultive collectivement un petit jardin, à l'écart des média, de la foule, des agités et des fous de dieu. Aussi est-il une sorte d'exception heureuse dans le monde affairé des hommes.

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