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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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3 juin 2007

Anhédonie

Plaisir se dit hédonè en grec. L'anhédonie, c'est l'absence de plaisir, terme forgé par les psychiatres pour désigner un des symptômes majeurs de la dépression. Parfois ils parlent aussi d'"anaphrodisie", ce qui renvoie plus explicitement, et plus sélectivement, à l'absence de plaisir sexuel. La dépression, outre la tristesse, le ralentissement psycho-moteur, les idées fixes, l'angoisse etc se reconnaît à ceci que les fonctions élémentaires sont atteintes dans leur fonctionnement normal. Le trépied: appétit, sommeil, sexualité est gravement perturbé. L'anhédonie vérifie  a contrario l'exactitude des thèses que nous développons ici. Le sujet déprimé perd le goût de vivre. Il est inhibé dans son élan vital. Tout devient pesant et pénible. Se lever est un effort, sortir, se promener, tout devient effort parce que aucun plaisir physique et psychique ne récompense plus l'activité normale du vivre. Hölderlin écrit quelque part: "ich lebe nicht mehr gern" - je n'ai plus de plaisir à vivre. Dans le Hamlet de Shakespeare on voit notre héros désemparé: ses exercices martiaux, où il excelle, ne lui font plus envie. Il se traîne lamentablement "To be or not to be". Qu'est ce qui pourrair sustenter la soif de vivre si ce n'est le plaisir, et avant tout ce plaisir fondamental d'être vivant, de sentir le travail des organes, la respiration et le battement du coeur. La pesanteur amorphe du déprimé est incompréhensible à l'homme dit normal, et celui qui n' a jamais connu cet état n'en devrait jamais parler, et encore moins juger et condamner. Mais notre monde est peuplé de censeurs: "travaillez plus, faites du jogging, éclatez-vous, baisez à tire larigo, vous serez bien" - Mais le dépressiuf, lui, ne se laisse pas duper par ces discours qui n'ont plus aucun sens pour lui. Il se replie sur lui-même. Il regarde de loin le carnaval des mondanités. Il hoche la tête, il gémit sur son incapacité d'aimer, de désirer, de se mouvoir, de se réjouir. Il n'est plus de ce monde. D'ailleurs ce monde le rejette avec mépris, et parfois avec violence. On le somme de reprendre son travail, de se reprendre en mains, de faire un effort. Mais lui, comme un vieux chien traînaillant au coin du feu, il n' a plus la force de se relever. Il se sent pitoyable, et en même temps l'élu d'une cause impossible: celle des athées définifs, des incrédules incorrigibles, des mécréants, des exclus et damnés de la terre. "Plaisir, vous avez dit plaisir? Mais je ne sais plus ce que c'est. Je ne connais que la fatigue, une lassitude sans bornes, un déplaisir sans bornes. Ma vie se confond à la mort. D'aiileurs si je respire encore c'est par lassitude..."

Voilà ce qu'est la dépression. La perte du goût de vivre, le taedium vitae, cette âcre mélancolie qui infeste tous les instants de la vie, ce "vivre pire que la mort"  . En tout cas, la chose est entendue. Vivre sans plaisir c'est nager hors de l'eau.GK

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