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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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19 avril 2023

TO BE OR NOT TO BE

 

On me demande parfois, de ce que je parle et écrive volontiers au sujet de la pensée de Bouddha, si je suis bouddhiste. Je répondrai de la manière suivante, en trois points :

D'abord, en toute rigueur, pour se déclarer bouddhiste il faut prendre le Triple Refuge : Bouddha, le Dharma (l'enseignement, la Loi bouddhiques) et la Sangha, la communauté. La pensée et la pratique de la vie sont la mise en oeuvre d'un enseignement qui engage l'existence entière. C'est par là que le bouddhisme ressemble à une religion, mais il se peut qu'à l'époque où enseignait Bouddha il fût impossible d'exercer une influence sans se couler, au moins apparemment, dans le moule de la religion hindouiste, quitte à introduire par la bande des thèses frondeuses et hétérodoxes comme la non-substantialité du moi, ou le refus du système des castes et la condamnation des sacrifices sanglants. Quoi qu'il en soit, je n'ai jamais adhéré à l'exigence du triple refuge, de la robe safran et des règles de la vie monastique, ou profane. En toute rigueur je ne suis pas bouddhiste.

En second lieu, de par ma nature profonde, je suis un vagabond de la pensée, errant de ci de là, sans véritable méthode, sans objectif défini. "Papillon du Parnasse" disait de soi La Fontaine, et comme lui je vaticine, me fiant essentiellement à mes humeurs, mes goûts et mes dégoûts, tantôt ceci tantôt cela, mais il est vrai avec quelques références de toujours, auxquelles je reviens toujours, auxquelles je mesure mes avancées existentielles, avec quelques auteurs privilégiés, Grecs surtout, et quelques modernes, comme Montaigne et Schopenhauer. C'est le divin Epicure qui me sert de boussole lorsque je m'égare, et revenant à lui, j'y trouve paradoxalement une invite à d'autres voyages. Je crois que fondamentalement je suis du type "Ulysse", ce héros de l'exil, de la nostalgie, du retour polémique, et du nouveau départ : on ne remarque pas suffisamment que Ulysse, après le massacre des prétendants et la nuit d'amour avec Pénélope, entame immédiatement un nouveau voyage, au bout de la terre. Cet homme-là n'est pas fait pour moisir au foyer !

Puis, encore plus radicalement, je ne puis "etre" bouddhiste, pas plus qu'épicurien ou héraclitéen. Pourquoi, ici, le verbe être ? "D'où tirons ce titre d'être nous qui ne sommes qu'une éloise dans le cours infini d'une nuit éternelle ?" (Montaigne). Si le bouddhisme a innové en quelque manière c'est bien par la suspension radicale de l'Etre, répétant à l'envie qu'il n'existe nulle part, en aucun temps, quelque chose qui aurait la stabilité, l'immutabilité, l'immortalité de l'être. Dès lors "être" bouddhiste est une contradiction dans les termes. Si vraiment chacun doit être à soi même sa propre lampe la seule manière cohérente d'être bouddhiste c'est de pas l'être. Formidable paradoxe qui nous introduit au coeur d'un enseignement difficile, subtil, profond, où les paradoxes sont autant de pîerres d'achoppement, et de leviers, destinés à nous libérer des chaînes ordinaires de la logique binaire et de la dictature des concepts.

Dès qu'apparaît le verbe "être" méfions-nous, pyrrhonisons. Ne disons plus : "je suis" pas plus que "je ne suis pas", ni "à la fois je suis et je ne suis pas", ni "à la fois je ne suis pas et ne puis pas ne pas être". Sortons de l'ornière, pérégrinons et vaticinons, soyons à nous mêmes notre propre lampe.

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Commentaires
X
Les hommes libres sont sans technique, sans méthode...
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D
Le verbe "être" ne fait pas qu'essentialiser même si son étymologie le tire de ce côté. Il est également un verbe d'état. Or, il n'est écrit nulle part que les états sont définitifs. Et puisque Montaigne a été cité, on peut rappeler en effet que "la constance même n'est qu'un branle plus languissant." Le joyeux sceptique use du verbe pour qualifier l'éternel mouvement qui agite les choses les plus stables en apparence. Ainsi, nous pouvons penser que les mots sont les formes apparemment stables d' états quantiques, de vibrations atomiques, de lignes de force dont Démocrite l'ancien a proposé la figuration (voir les travaux de Wismann dans les "Avatars du vide") et que Nietzsche reprend dans une certaine mesure en interrogeant l'énergie vitale qui les traverse.<br /> <br /> Ce n'est donc pas le mot qui importe mais sa représentation, sa cristallisation mentale, fruit d'un attachement halluciné. C'est là que le mot se fait symptôme, glissant irrémédiablement du côté des...maux.
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