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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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8 juin 2007

CHAPITRE TROIS : ¨Phie du Borderline : fin

CHAPITRE TROIS

 

 

 

TOPOLOGIE ET POLEMOLOGIE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Topos, c’est le lieu. Quel est le lieu propre du borderline ? Aucun, puisqu’il est le sans demeure, l’irréconcilié, l’erratique, le vagabond de la Venus vagivulga, l’exilé de toutes les causes, le déserteur de tous les lieux, y compris du désert lui-même ?

 

Freud avait créé une magistrale topique de l’inconscient, qu’il compléta par la suite d’une seconde, bien fameuse, du moi, du ça et du surmoi. Qu’en reste-t-il aujourd’hui ? Il nous sommait de former le moi sous l’aplomb du surmoi, d’articuler les pulsions du ça à la souveraineté de la loi. Fort bien. Mais quelle Loi ? Et d’où tirerait-elle son étrange légitimité ? De la nature ? De la culture ? On sait que Freud parie sur la culture, seule limite à la bestialité universelle. « Notre dieu Logos » disait-il. Il se voulait l’héritier des Grecs, mais il était l’ héritier du judaïsme et des Lumières. Les Grecs n’ont jamais écarté la référence à la nature et ne se faisaient pas trop d’illusions sur les pouvoirs contenants de la justice et des lois. « Vis selon la nature » disaient-ils, dans leur immense majorité. Nous autres modernes avons cru nous affranchir de toute loi naturelle, plier l’ordre du monde à nos appétits, et nous marchons vers l’abîme.

 

Le ça est inéducable et inchangeable. C’est dire que toute civilisation ne peut jamais se hisser plus haut que le semblant. La seule morale possible c’est l’hypocrisie érigée en vertu. Et qui veut y changer quelque chose provoque le diable.

 

Quant au moi, nous avons vu ce qu’il en reste dans une culture éclatée, atomisée, soumise aux seuls impératifs financiers, à la volonté de puissance poussée jusqu’à l’exaltation. De toutes parts le moi gémit sous les exigences exacerbées et contradictoires de la performance sans but, sans règle, et sans limite. Ce n’est plus un surmoi culturel qui contient la folie des passions, c’est la passion de puissance qui exacerbe les passions, jusqu’au vertige, jusqu’au cataclysme. Le surmoi freudien s’est converti en démiurge totalitaire, en mégalomane sadique, en férocité paranoïaque. Voilà où nous en sommes.

 

Et l’on voudrait qu’un homme de bon sens se soumette à une telle barbarie ? Entérine les réquisits d’un régime absurde de destruction planétaire, se fasse le complice complaisant des requins, des maffieux, des gangsters qui nous gouvernent ? Et de leurs aficionados patentés, de leurs avocats véreux et de leurs conseillers pervers ? Pauvre Freud, tu méritais une autre descendance, toi qui te voulais l’inventeur d’un nouveau monde, si ce n’est d’une nouvelle religion !

 

Désertons ces lieux ! Retirons-nous dans la forteresse des sages, que ne défendent ni murailles ni canons, lieu invincible car introuvable, plus introuvable que la caverne d’Ali Baba, ou de Ben Laden.

 

« Tu croyais détruire Anaxarque, mais Anaxarque séjourne depuis longtemps auprès de Zeus » ! Est vraiment libre celui à quoi il est indifférent d’être vivant ou mort. Celui-là est quelque part, mais où, entre les deux mondes, aussi inaccessible qu’une étoile, aussi ténébreux et insaisissable qu’un poulpe des profondeurs. Ni d’ici, ni d’ailleurs. Ni pas d’ici, ni pas d’ailleurs. - A-topique.

 


II

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Tout le problème est d’inventer un autre style. Le choix n’est pas entre normalité et pathologie. Mais la pathologie semble être, dans ce monde tel qu’il est, le seul moyen d’accès à ce lieu autre d’une nouvelle liberté. Pas question de revenir en arrière et de bêler avec les loups.

 

A nouveau nous trouvons devant nous la question du tiers : pensée tierce, par delà les contraires. Ni agir, ni pas agir. Ni normalité ni pathologie. Mais la folie fondamentale, celle d’avant et par delà les opposés, dont la piste nous est ouverte par la réinvention du jeu et de la créativité. Le borderline est la figure souffrante d’une possibilité nouvelle, celle du hors-lieu, du hors-norme, de l’extra-vagance. A ce titre elle doit être analysée, comprise, renversée. Car il ne s’agit pas de s’installer dans la souffrance, le ressentiment et la haine. Passions tristes. Il faut convertir ce que la position-limite nous enseigne de refus, de contestation et de dérivation pour en tirer une autre éthique. Clinamen : une dérive par rapport à la régularité, la répétition et la norme, mais pour laisser au hasard créateur la chance d’engendrer de nouvelles figures. On ne peut rien construire dans la normalité qui ne soit la poursuite indéfinie de l’œuvre de répétition et la marche à la mort. Pour jouer, pour se donner la chance de jouer comme fait le dieu d’Héraclite, il faut d’abord raser les formes anciennes, précipiter la ruine, suspendre l’acquiescement, et faire sa retraite au désert. Que peut un philosophe ? Pas grand chose, sinon contribuer à la consumation générale par un travail de sape.

 

Je ne sais si je dois rire ou gémir. Les catastrophes actuelles n’ébranlent pas grand monde. Chacun se bouche les yeux et les oreilles, les gouvernants et les entrepreneurs au premier chef. Mais nous sommes quelques uns à voir le péril. Sloterdijk posait clairement la question, voilà déjà vingt ans : combien faut-il de catastrophes pour produire un éveil de la conscience ? Sitôt produite, la catastrophe est intégrée dans le schéma général, phagocytée, oubliée. Aussi n’attendons rien, et obstinons-nous à penser, à créer du neuf. L’âge est venu de la méta-philosophie. Le reste est pipi de chat.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

III

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’intimité, cette ultime et improbable retraite du sujet, dans l’effondrement général et la galopante frénésie de notre monde. Mais l’intimité est menacée de toutes parts, effilochée, disloquée par les modernes moyens de pression et de conformisation. Sans parler de l’espionnage anonyme, ce regard pervers omniprésent, omnipotent ! Où se retirer, quand le monde moderne est une surface uniment blanche, translucide et sans relief ? Dans quel temple broussailleux réfugier nos spasmes et nos douleurs ? Dans quel abri cacher nos subjectivités livrées au Moloch planétaire ?

 

Il va falloir ruser, camarades ! Je ne crois pas beaucoup, j’en ai honte, mais c’est ainsi, aux mouvements de contestation politique. Tout cela sent l’arthrose, le rance, le réchauffé. Et que d’ambiguïté dans nos antimondialistes ! Non qu’ils aient tort, loin de là, mais ils ne convainquent pas. Qu’ils soient fort utiles au demeurant, je le veux bien. Mais il faudrait clarifier tout cela pour ne pas produire au négatif ce qui existe déjà. Qui, aujourd’hui, peut vraiment penser hors des cadres obligés de la fuite en avant, de la course à l’abîme, de l’intensification et de la mobilisation  universelle ? Tout conspire, et la science, et la technique, et la politique, et les utopies identitaires, et les mouvements socioculturels à « étendre le désert » et à concentrer la haine. J’ai beau faire je ne vois rien, à l’horizon de ce qui se fait et de ce qui se prépare, qui soit de nature à apaiser mes craintes. Décidément, je ne suis pas de ce monde.

 

Il faudrait démanteler nos stades olympiques, ruiner l’idéal fallacieux de nos compétitions sportives qui ne sont que prétexte à fric, manipulation des foules, perversion, et culte de la mort. Quelques champions, footballeurs, coureurs cyclistes et autres drogués de la victoire à tout prix s’effondrent, raides morts, au milieu du stade, en pleine santé paraît-il, - eh bien, il n’y en a pas encore assez ! Que meurent cent, mille, dix mille athlètes de haut niveau, et cela ne sera pas encore assez ! Que meure à jamais cet idéal absurde du dépassement des limites, de la mortification, du dressage impitoyable des corps ! Et puis voilà nos innombrables anorexiques, nos dysmorphophobiques, nos passionaria de la chirurgie esthétique qui se font refaire de pied en cap pour égaler leurs idoles de magazine ! L’obsession de la minceur, de la prestation sexuelle, de la « forme », - religion du corps, religion de l’insignifiance absolue ! Démanteler les stades, certes, mais aussi les vitrines obscènes de la mode, les agences de modelage du corps et de l’esprit, les sectes et les officines ! Et que dire de notre télévision, ce nouvel opium du peuple, cette horrifique machine à formater des esclaves, cette puante exhibition de l’ intime, du dérisoire et de l’abject ?

 

Déprimés de tous pays, désertez ! Désertez nos usines, désertez nos bureaux, nos casernes, nos hôpitaux psychiatriques, nos agences pour l’emploi, nos stades bondés et puants, nos écoles et nos lycées, désertez tout, désertez de tout, hors de vous-mêmes !

 

Nos églises abandonnées finiraient presque par nous devenir sympathiques, au moins on y trouve un peu de silence et d’espace pour la méditation !

 


IV

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’autre jour j’entendais parler de l’effondrement du terminal de Roissy : une centaine de blessés, une dizaine de morts. Le fleuron de la technologie française, sinon mondiale, s’écrasait au sol après quelques jours de service. Consternant ! Et surtout pour les familles des victimes. Mais par ailleurs, excusez du peu, quelle leçon ! Un mini Titanic, après l’effondrement de la passerelle du Queen Mary ! Comment ne pas être secoué d’un rire hénaurme, démocritéen ! Toute ma couenne est secouée de spasmes, entre les larmes et la jubilation cynique ! Toujours la même histoire. Le comble du progrès technoscientifique, la confiance illimitée, la suffisance béate, - et puis le réel ! Dans cette affaire c’est moins la technique qui est en cause que l’invraisemblable prétention à la maîtrise. A petite échelle c’est toute l’histoire de l’Occident qui est ici interpellée, son programme de conquête de la nature, sa naïveté foncière, son intolérance à toute frustration, son optimisme béat, sa religion expansionniste, en un mot son orientation planétaire.. « Devenir comme maîtres et possesseurs de la nature » (Descartes). Ah le beau programme ! Et que voyons-nous ? Des tempêtes dévastatrices d’une fureur sans précédent, des cyclones, des raz de marées, des catastrophes pétrolières au large de nos côtes, d’immenses nuages de déchets radioactifs au dessus de nos continents engorgés, des centrales qui explosent, des sous-marins nucléaires au rebut qui lâchent inexorablement leurs déchets dans la mer, des milliards de voitures qui polluent les villes, les espèces animales et végétales en perdition, etc. Demain d’autres continents suivront notre fallacieux exemple, et le processus ira en s’ accélérant, jusqu’à l’effet catastrophe. Thanatocratie, pulsion de mort à l’échelle planétaire.

 

Le pire c’est les anciennes civilisations de l’équilibre ne puissent rien contre cette inexorable dérive et se mettent, elles aussi, à lutter de vitesse pour rattraper notre degré d’expansion. Imaginez ! Un milliards deux cent mille Chinois, un milliard d’Indiens, plusieurs centaines de millions de Sud Américains, d’Africains et de Sud Orientaux qui achètent des voitures, brûlent leur pétrole, construisent des centaines de centrales atomiques, dévorent leurs forêts, gaspillent les ultimes ressources naturelles et nous précipitent, avec eux, dans l’horreur incontrôlable du désert ! Par ailleurs on ne voit pas comment on pourrait leur interdire de se développer quand nous gaspillons, nous autres Occidents, les ressources de la terre pour assurer notre domination sur le monde. C’est à nous de changer, d’inventer un autre modèle de civilisation, de présenter un autre programme, suffisamment attractif pour détourner ces puissances montantes de notre modèle actuel.

 

La seule contestation active de notre monde vient des intégristes et des terroristes. Il est remarquable que beaucoup de ceux qui rejoignent ces mouvements soient d’anciens techniciens ou scientifiques formés dans nos écoles, parfaitement au courant de nos pouvoirs et de nos modes de vie. Qu’ils soient d’horribles fanatiques, c’est évident. Leur programme a de quoi faire frémir. Ce qu’ils veulent c’est la destruction pure et simple de notre monde. Ont-ils tort ? Nul n’ose poser cette question, cette horrible, dérangeante, insupportable question. Nous nous raidissons dans nos évidences, nous nous crispons sur nos acquis, refusant la moindre interrogation sur le fond du problème. Eux sont le Mal, nous le Bien. C’est commode ! Je n’ai aucune sympathie pour le fondamentalisme, le passéisme, l’intégrisme, j’abomine les manœuvres de terreur, j’exècre la violence, je condamne sans le moindre état d’âme ces pratiques abominables, cette ineptie, cette fureur et cette inconscience. Reste que nous n’avons pas raison pour autant. Leur violence aveugle et absurde nous sert confortablement d’ alibi pour étouffer toute contestation, réprouver toute mise en cause, et interdire toute pensée. Nouveau conformisme planétaire, nouveau maccarthysme, nouvelle police des esprits et des comportements, nouvel obscurantisme.

 

On a dit et redit que l’effondrement des tours de New York a marqué l’entrée dans une nouvelle ère. C’est tout à fait vrai. Et après ? Qu’ a-t-on fait depuis lors ? Une nouvelle guerre en Irak. Et qui produit quoi ? Un lamentable démantèlement de toute la région d’Asie Mineure, une exaspération anti-américaine et anti-occidentale renouvelée, une justification nouvelle pour toutes les entreprises terroristes, un fossé encore plus profond entre les sociétés développées et les autres, une haine exaspérée des pauvres contre la richesse et le gaspillage des riches, et finalement une fragilité et une insécurité accrue pour tous.

 

D’une certaine manière les agissements terroristes pourraient être notre chance, une chance de survie en provoquant un sursaut général, en obligeant tous et chacun à une révision nécessaire de nos valeurs, de notre modèle de civilisation. Nous devrions utiliser ce péril pour nous réformer et faire la distinction claire entre ce qui doit être conservé et ce qui doit être abandonné. Dans notre monde, qu’est ce qui a de la valeur ? Qu’est ce qui doit être sauvé à tout prix ? Quel nouveau projet pourrions-nous élaborer ensemble et imposer à nos gouvernements ? Voilà ce qui mériterait toute notre attention. Au lieu de quoi nous continuons bravement dans le même sens, brûlant, construisant en détruisant, amassant, et gaspillant sans aucun souci des générations à venir, préparant pour nos enfants un univers de désolation, d’insécurité, de sécuritarisme policier, de haine et de guerres larvées.

 

Ai-je tort ? J’aimerais bien. Mais j’ai le sentiment que nous vivons sur un nuage, dans une belle illusion d’éternité, croyant naïvement avoir trouvé la recette du bonheur, alors que tout craque autour de nous. Il est vrai qu’un sentiment obscur d’insécurité s’infiltre insidieusement dans les consciences, à quoi on ne voit d’autre remède que les politiques sécuritaires. Mais le problème n’est pas là. Politique de l’autruche. Quand de clignotant clignote on éteint le clignotant. Bravo ! Mais c’est le moteur qui est malade, et plus encore que le moteur, nous tous, nos ascendants dont nous sommes les héritiers irresponsables, notre philosophie de la nature et du développement, notre soif pathologique de pouvoir et de maîtrise.

 

« Je ne compte que sur les déserteurs » écrivait André Gide. Cette parole est plus vraie que jamais. Il faut prendre le maquis. De l’extérieur fourbir de nouvelles armes pour la pensée. Elaborer de nouvelles machines de guerre. Mais cette phraséologie elle-même est trompeuse, comme le montre abondamment l’histoire du communisme, qui à vouloir faire autre chose n’ fait que la même chose à l’envers. Aussi nos images sont elles toutes obsolètes, nos pensées déjà moribondes avant que de s’être déployées. C’est tout le langage qui nous enferme dans les rets du passé. S’agit-il bien de penser si toute pensée est répétition ? Aussi la pensée, du moins dans ses formes classiques, ne saurait-elle suffire . C’est peut-être l’aptitude à créer qui nous manque, le sang neuf de la vie et de la nature, le sens intime de la métamorphose universelle, le goût passionné du renouvellement et de l’aventure.

 

Si j’ai tant interrogé les formes actuelles de la pathologie, ce n’est pas pour faire de la frime, pour la montre et l’exhibition. C’est que je crois profondément que notre « normalité » est profondément malade, perverse, agressive, qu’elle sent le fauve plus que l’humain. Nous sommes toujours encore dans les méandres de la préhistoire, dans les cavernes calcinées d’un monde archaïque, dominé par la peur et la faim. Nos vieux mythes sont toujours là, tapis dans notre indécrottable inconscient collectif et personnel, rebelle à toute révision en profondeur. A peine sommes-nous en mesure de rattraper les intuitions d’un Héraclite, d’un Démocrite, d’un Bouddha, inaptes à nous frotter à cette aune-là. Si la normalité n’est que science sans conscience, efficacité sans norme, productivité sans raison, agitation sans limite, alors mieux vaut la pathologie ! Au moins elle dit quelque chose, même si elle ne sait pas ce qu’elle dit. C’est à nous, poètes, penseurs, philosophes, de nous mettre à l’écoute de ce qui se dit dans ce langage mutilé, partiel, quasi inaudible mais signifiant, et de le porter à la lumière.

 

Ce que j’ai esquissé sous les auspices de la « méta-philosophie » c’est l’effort titanesque de me déprendre des modes de penser automatique qui me conditionnent, et qui nous conditionnent tous, philosophes y compris, pour dégager au moins un espace tiers, tierce parole entre penser et non-penser, entre agir et non-agir, entre pathologie et normalité, ou plutôt par-delà ces oppositions éculées, dessinant les contours d’ un autre lieu, dans l’atopie généralisée, l’ écroulement des valeurs, l’incertitude tourbillonnaire, et le Hasard.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

V

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Hubert Reeves nous a enseigné que nous étions enfants des étoiles. Sur le plan astrophysique il a certainement raison. Mais la formule charrie trop de représentations flatteuses pour être recevable. Méfions-nous des étoiles ! Nous sommes trop petits et peccamineux pour nous prévaloir d’un tel héritage !

 

Enfants de la terre. Cela me suffira. Et cela situe plus exactement notre indépassable horizon. Planète Terre ! Planétique et Planéthique, voilà notre site obligé, notre nécessité., notre destin.

 

Les Grecs de la période hellénistique ont créé le beau concept de cosmopolitisme.: citoyens du monde. Diogène n’était ni corinthien, ni athénien, il se moquait éperdument des lois, des coutumes et des conventions locales, toutes dérisoires et contre-nature pour se hisser d’un coup d’aile dans la sphère de l’universel. Epicure voulait dépasser le cadre étroit des cités pour semer des jardins d’amitié dans toute l’étendue du monde. Les Stoïciens prôneront un idéal de sagesse destiné à tout homme raisonnable, par-delà les frontières et les statuts sociaux. Et que dire de Pyrrhon, l’inclassable, l’atopique, le vagabond, l’itinérant du hors-langage et du hors-lieu ? Ces hommes-là avaient un sens aigu de la philosophie, comme discipline du dépassement et de l’ouverture. Malheureusement le concept de cosmopolitisme perdra au fil des siècles sa charge révolutionnaire pour devenir un banal slogan de bourgeois éclairés. Il faut un nouveau concept  pour une réalité nouvelle, et qui décrive exactement la nouvelle situation de l’homme dans le monde.

 

« Géopolitès » : citoyen de la terre. Voilà qui n’est pas mauvais. Car nous sommes fils et citoyens de la terre, dans un sens à la fois physique, psychique, politique et spirituel. C’est d’elle que nous sommes nés, c’est d’elle que nous grandissons, et c’est en elle que nous mourons, comme les plantes, les animaux, nos frères d’infortune et de fortune. Point d’ouverture au-delà, si ce n’est à la connaissance. C’est dans l’espace borné de cette planète que nous ferons notre bonheur, notre malheur, et que nous périrons, dans quelques siècles, ou dans le siècle qui suit, par notre faute. Rien au-delà, rien en deçà. Ici et maintenant. Et maintenant, c’est l’urgence absolue.

 

L’Europe est une belle chose. Au moins sortons-nous des guerres absurdes qui ont ravagé notre civilisation. Mais que pèsera l’Europe dans le monde globalisé qui se fait autour de nous ? Si je suis européen, et fier de l’être, j’ai de bonnes raisons de craindre la décadence de cet îlot de liberté dans les marées de la haine. Je veux que survive et se développe une culture qui a apporté le sens de l’humain. Mais je sais que d’autres cultures existent, ou ont existé, qui valaient bien la nôtre. Notre effort doit être de conservation de certaines valeurs fondamentales ( liberté civile et politique, droit rationnel, connaissance, espace privé etc ) et de rénovation radicale. Mais sur un autre plan je ne suis ni européen, ni indien , ni chinois. Je me sens tiré en avant par le sens de l’intérêt général de l’espèce humaine, qui transcende absolument toutes les conventions locales, fussent-elles fort honorables. Plus que toutes les particularités nous incombe le soin de la terre, la préservation de la vie, la nôtre, mais aussi celle des animaux, des plantes, et comme dirait Bouddha, de tous les êtres sensibles. C’est là notre premier devoir, notre tâche par excellence. « Habiter poétiquement la terre », c’est se penser comme le jardinier de la planète, et non pas son fossoyeur. L’avenir est aux poètes, aux horticulteurs, aux philosophes, aux artistes, aux créateurs, ou alors il n’y aura pas d’avenir. Comme dit Reeves « ce siècle sera vert ou ce sera le dernier ».

 

Géopolitès : citoyen de la terre. Citoyen, et non pas simplement habitant, fils ou enfant. La terre doit être une vaste cité, celle de tous les hommes, mais aussi celle des autres espèces vivantes. On ne peut continuer indéfiniment à considérer la nature comme un environnement, c’est à dire un espace autour que l’on pourrait arraisonner, fouiller, exploiter, piller et dévaster. La notion d’environnement révèle notre incorrigible narcissisme : l’homme au centre de la vie, l’homme au sommet des espèces vivantes, l’homme centre et fin de toute chose. Freud avait justement nommé trois révolutions scientifiques majeures qui  avait infligé une blessure cinglante au narcissisme : la terre n’est pas au centre de l’univers, l’homme n’est pas sorti tout droit de la cuisse de Jupiter, la raison ne commande pas souverainement la psyché. On pourrait ajouter une quatrième proposition : l’homme n’est pas le « maître et possesseur de la nature », ce que, soit dit en passant, savaient toutes les civilisations, à toutes les époques, en dehors de la nôtre qui a oublié ses origines et prétend s’élever jusqu’aux étoiles.

 

Modestie, donc, et responsabilité. Par prétention et sottise nous scions la branche sur laquelle nous prospérons. On ne saurait imaginer suicide plus absurde !

 

Vive Diogène, sa bure, sa besace et son bâton. Vive Bouddha, Epicure, Pyrrhon et tous les autres, célèbres ou anonymes, qui surent développer la conscience irréconciliable de la singularité alliée à la conscience non moins absolue de l’universel. Hors-norme, et hors- lieu, ils surent façonner l’image poétique de l’humain, non pas contre les autres éléments de l’univers, mais en liaison avec tout ce qui respire, qui souffre, qui jouit et qui meurt. Dans la demeure paradoxale de l’impermanence ils surent édifier ces troncs de la sagesse dont nous n’avons toujours pas su faire éclore les branches, les fruits et les fleurs.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                               TABLE

 

 

 

 

 

Prélude                                                                                  p 2      

 

 

 

Livre premier  Typologie du Borderline                     p 6                                                                  

 

            Chap I                 Diversité et unité                           p 6                   Chap II : Entre l’ire et le délire                      p 22

 

            Chap III  La maison du Borderline                p 32

 

            Chap IV  Métaphysique du Borderline           p 40

 

            Chap V   Politique du Borderline                   p 55

 

 

 

Livre deuxième  Archéologie du Moi                         p 58                

 

            Chap I   De la dépression primaire                 p 58

 

            Chap II  Du noyau psychotique                      p 75

 

            Chap III De la forclusion                               p 83

 

            Chap IV De la violence fondamentale                       p 102

 

            Chap V  De l’enfance                                     p 112

 

            Chap VI  De la survivance                             p 125

 

 

 

Livre troisième  Ethique du Borderline                     p 141

 

 

 

            Chap I    De la transmission                           p 141

 

            Chap II   Métaphilosophie                             p 161

 

            Chap III  De l’incertitude et de la croyance   p 192

 

            Chap IV  De l’autodérision                            p 201

 

            Chap V    De la folie originelle                       p 210

 

            Chap VI   Les quatre piliers de la sagesse      p 226

 

 

 

Livre quatrième   Topologie du Borderline                p 234

 

 

 

            Chap I    De la planéthique                            p 234

 

            Chap II   De la désistence                              p 247

 

            Chap III  Topologie et polémologie

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Commentaires
F
1000 mercis pour ce superbe ouvrage ancré dans la réalité.<br /> <br /> Que de regrets de ne pouvoir le trouver édité par une maison qui n'aurait pas peur de sa dimension subversive pourtant tellement fondée...
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