Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
Archives
Visiteurs
Depuis la création 1 057 638
5 juillet 2007

Anorexie

Anorexie : étymologiquement absence d'appétit. Bien sûr d'abord, fort visiblement, pour la nourriture. Mais qui sait? Est ce la vie toute entière qui n'apparaît plus attrayante? Et cela malgré l'apparence de dynamisme qu' exhibe volontiers l'anorexique. Je ne suis ni anorexique ( j'ai plutôt bonne fourchette et mon problème est plutôt de me limiter) ni boulimique. Dans les pires moments, quand toutes les fonctions vitales fichaient le camp, celle-là m'est toujours restée. Si elle disparaissait ce serait la fin. Mais il me semble qu'il y a une secrète parenté entre l'anorexie et la dépression. Dans l'anorexie, il s'agit surtout  de mater le corps, et la jouissance consiste à le domestiquer, le brider impitoyablement, l'affaiblir par tous les moyens, le torturer pour s'assurer une emprise totale: ne pas manger c'est refuser au corps toute existence en l'épuisant, en effaçant les caractères apparents de la féminité ( pour l'anorexie féminine évidemmnt), en se redonnant un corps d'enfant asexué, sans seins et sans règles, bref un corps angélique, sans besoins et sans désir. Forme exaltée de l'ascétisme, l'anorexie prétend établir le règne souverain de l'esprit sur la chair méprisable et damnée. On comprend qu'elle ait pu séduire certaines nonnes désireuses de retourner au plus vite auprès du Christ, et servir de véhicule au masochisme moral.

L'anorexie est un dialogue permanent avec la souffrance. Voir Sissi l'Impératrice d'Autriche qui déclarait aimer sa douleur plus qu'elle même. On diarit un transfert d'identité: "Je ne suis pas cette misérable dépouille corporelle destinée à la pourriture, je ne puis me reconnaître dans ces besoins corporels abjects qui me salissent, ni dans ces pitoyables désirs de chair qui travaillent les autres hommes. Sans besoins ni désirs je suis le maître de moi-même, libre et désenclavé, hors de l'humaine nature, je suis d'avant la misère sexuelle, antérieure à la division entre hommes et femmes. Je n'ai pas de sexe, d'ailleurs je hais le sexe, cette abomination qui nous rattache à l'animal! Je serai plus forte, de plus en plus forte, et mes réussites scolaires ou sportives ou professionnelles témoigneront de l'excellence de mon esprit.

Moi idéal: ni corps ni psychè: refus du réel, refus du temps. N'est-ce pas une sorte d'immortalité que j'atteins, hors du rythme des besoins et des désirs qui font la triste condition humaine"?

Ici, l'ancien dépressif que je suis dresse l'oreille. N' est-ce pas là la parenté secrète entre les deux organisations psychiques? Le refus de la banalité, la dictature impitoyable de l'Idéal, cette aspiration infinie, décevante et exaltante vers la perfection. Tout Baudelaire est là. Et au creux de l'être un vide effroyable, le sentiment d'une distance infinie entre moi et le Moi Idéal, avec des moments d'exaltation quand je crois m'en approcher, et un abattement sinistre et terrible quand je m'en éloigne?

Voilà quelques réflexions rapides que m'inspire cette maladie. Plusieurs personnes proches en souffrent et je m'interroge : à partir de mon vécu puis-je y comprendre quelque chose? Je ne sais, aux lecteurs de me le dire. Mais je ne puis rester sans parole devant la souffrance, et je suppute que celle-ci est une des pires. Toute mon attention et mon souci vont vers ceux et celles que la médecine a bien du mall  à aider. GK

Publicité
Publicité
Commentaires
Newsletter
154 abonnés
Publicité
Derniers commentaires
Publicité