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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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12 octobre 2022

L'ESPRIT DU DEBUTANT

 

 

Alors même qu'on a beaucoup lu, réféchi, médité, l'essentiel est de garder l'esprit du débutant. Celui qui entre dans le vaste champ de la philosophie a certes, comme tout un chacun, ses préjugés, ses marottes intellectuelles, mais s'il consent à débuter un exercice aussi diffile que la philosophie, on peut supposer qu'il n'est pas autrement attaché à ses opinions. Il accepte de les mettre sur la table, d'en faire l'autopsie, d'en discuter la validité ou la nuisance, et de les rejeter s'il est patent qu'elles ne tiennent pas. C'est l'épreuve du vide où l'on voit la différence entre les dogmatiques indécrottables, les fanatiques du sens qui ne peuvent renoncer à rien - et les autres, aventuriers de l'esprit, vagabonds sans feu ni lieu.

Le débutant sincère est quelqu'un qui peut se détacher de ses certitudes apprises, pour désapprendre. Il y a là un merveilleux mouvement d'ouverture, qui est d'abord une coupure, une séparation, un douloir et un deuil, et de l'autre l'enchantement des choses neuves, proprement inouies, qui inquiètent et qui émerveillent : pensez donc ! Je croyais que les dieux dirigeaient ma vie, et je découvre qu'ils ne sont qu'une projection de mes désirs et de mes craintes ! Voilà qui engage à tout revoir depuis la base.

Mais encore : il ne suffit pas de débuter un jour - un jour qui vaudrait une fois pour toutes - mais tous les jours, chaque fois à partir de rien. Ce que j'ai acquis hier ne vaut plus pour aujourd'hui. Nous ne sommes pas dans la science qui accumule des savoirs, qui "progresse" comme on dit. L'éveil dont nous parlons ici n'a rien d'un savoir, et même le savoir peut fort bien être un sérieux obstacle à l'éveil : qui en sait beaucoup ne s'étonne plus, et le voilà qui glisse insensiblement dans un gel arthrosique !

Philosopher c'est se tenir fidèlement à l'origine des choses, dans l'"archè", à la fois commencement, principe et origine, comme faisaient admirablement les penseurs-poètes des premiers temps. Ils nous enseignent que l'origine est une origine non d'un jour mais de toujours, toujours à jamais neuve, imprévisible et insondable. Aucun savoir ne peut en rendre compte, aucune science. Pour la pensée c'est une sorte de "skandalon", pierre d'achoppement impossible à lever, obstacle éternellement renaissant. Mais pour l'esprit ouvert c'est le miracle de l'éternel commencement. Se tenir à la source, voilà le mot, "ad luminis oras", à l'orée de la lumière.

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