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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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27 septembre 2022

DU DESIR COMME TONOS

 

Voici mon hypothèse : nous faisons fausse route en caractérisant le désir (les désirs) par les objets auxquels ils se rapporte, qui produisent momentanément une sorte de fascination, de stupeur, avant d'engager l'action de conquête ou d'appropriation. Nous croyons que c'est l'objet qui détermine le désir, oubliant ce que Spinoza disait de la beauté : "ce n'est pas parce qu'une chose est belle que je la désire, c'est parce que je la désire qu'elle est belle". La beauté est l'effet du désir, sa création. Si l'on veut comprendre quelque chose à la nature du désir il faut remonter de l'effet à la cause. C'est le désir qui est cause, précédant de quelque manière toute effectuation dans le monde. Mais alors comment le comprendre ? Voici précisément mon hypothèse : ce qu'on appelle désir est une sorte de tension, de "tonos" (d'où tonus, tonicité), de vibration énergétique, de tourbillon pulsionnel, un dynamisme interne qui mobilise les fonctions du corps et de l'esprit, et qui, en situation normale, non pathologique, non entravée, va librement s'exercer dans quelque activité. De là le mouvement vers l'objet, qui n'est que le second moment, et non point le premier comme nous le croyons d'ordinaire, trompés par la séduction de l'objet.

J'irai même jusqu'à dire que le passage du premier moment (le tonos interne) au second (l'élection de l'objet de désir) est marqué d'une ambiguité singulière : il faut bien que le désir, comme énergie indifférenciée se spécifie dans une action déterminée (je sens un vif besoin d'agir mon corps - je vais faire de la piscine ou du vélo) sans quoi naît un sentiment pénible de frustration. Mais d'un autre côté il faut bien voir que l'action déclenchée par le désir apparaît souvent comme inférieure, insatisfaisante, ou banale par rapport à ce que le désir, dans son indétermination originelle, laissait imaginer, rêver ou fantasmer. En d'autres termes, dans l'action née du désir, il y aurait un certain coefficient de déception, qui peut fort bien cohabiter avec l'expérience de plaisir. Ce qui fait qu'il n'existe pas de satisfaction intégrale, de lumière sans ombre et de plaisir sans déplaisir.

Epicure enseignait la distinction entre les plaisirs en mouvement et les plaisirs en repos. Les premiers sont séduisants et souvent décevants. Il recommandait les seconds, plus discrets mais plus profonds, cultivés dans le recueillement, le silence de la pensée, le calme de la méditation. C'est l'image d'un désir qui évite de s'éparpiller dans les objets du monde (débauche, gourmandise, ambition, pouvoir, richesses etc) et qui se resserre sur soi, au plus près de l'origine, à l'orée de la lumière.

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P
Le Désir naît du manque. La Genèse le situe dans la frustration du premier "interdit", Platon dans la séparation en deux parties de l'androgyne primordial, Freud dans la sexualité (entendons aussi sexuation, ce qui est coupé de...) etc. Il n'y a effectivement que dans le rassemblement (en soi) des "morceaux épars" que le plaisir "en repos" peut nous apporter la satiété sereine après laquelle nous courons tous.
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