Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
Archives
Visiteurs
Depuis la création 1 056 154
27 juin 2022

LE ROMAN REVE - rêve de roman

 

Depuis que j'écris moins je lis d'autant plus. Peu de philosophie, surtout des romans, étrangers de préférence. J'ai souvent apprécié les Japonais, toujours concis, directs, expressifs. Je découvre les auteurs mexicains, péruviens, boliviens, et autres, j'y vois beaucoup de fraîcheur, de "nouvelleté", comme si ces écrivains, hors de l'influence un peu empesée de la littérature européenne, s'éveillaient au matin du monde.  Et quel style ! Un régal.

J'ai souvent rêvé d'écrire un roman, quelque chose d'intime et d'universel à la fois, une histoire avec des personnages, de vrais personnages de chair et de sang, comme ceux que l'on trouve dans les récits sud-américains, forts de gueule, tout d'une pièce, implacablement sincères jusque dans le mensonge et la trahison. Mais pour être un romancier il faut des qualités que je n'ai pas. D'abord le sens du concret, du visuel, de la forme et de la couleur. L'art de se couler dans la peau des personnages, de les entendre en soi-même comme des voix qui jaillissent des profondeurs, avec leur modulation, leur chair, leur tonalité personnelle et inimitable. Un scénario, sans quoi c'est l'ennui garanti. Une inventivité sans faille. Un peu de psychologie, mais pas trop, juste ce qui confère au récit et aux personnages de la crédibilité. Pas de description, mais de la vitesse, avec de ci de là des plages de lenteur, d'alanguissement, suivies de brusques accélérations. - Voilà, je sais décrire le bon roman, le roman selon mon coeur, mais je suis incapable de l'écrire.

Une lettreuse de mes amis m'a dit un jour, comme je lui narrais mon embarras, qu'être poète ou être romancier c'est très différent, ce ne sont pas les mêmes aptitudes. Il est bien vrai que les poètes sont rarement de bons romanciers. Et parmi les poètes il faut distinguer encore les objectifs, comme Homère ou Goethe qui racontent, et les subjectifs, comme Du Bellay ou Musset qui tirent de leur substance intime la matière de leur oeuvre. Les premiers s'essayent volontiers au roman, ou à l'épopée, les seconds ont sont viscéralement étrangers. Cette opposition reprend assez bien la distinction que faisait Thomas Mann entre "les fils de la nature" (Goethe, Tolstoï) et "les fils de l'esprit" (Schiller, Dostoievsky).

Reste le cas improbable et rare d'un poète qui serait primitivement un fils de l'esprit, un génie subjectif, qui saurait évoluer pour conquérir de haute lutte le pôle opposé, réunissant les contraires dans l'unité supérieure de l'art.

Publicité
Publicité
Commentaires
Newsletter
153 abonnés
Publicité
Derniers commentaires
Publicité