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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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8 juin 2022

DE L' AME

 

Sitôt que l'on veut poser un au delà de la vie mortelle, une survie quelconque sous une forme quelconque, on en vient très logiquement à inventer une âme immortelle, distincte du corps - puisque le corps se défait inéluctablement sous nos yeux - à laquelle on attribuera l'immortalité. Historiquement c'est ce que  j'appellerai le moment égyptien : assurer sa survie sera l'obsession du pharaon qui fait ériger une gigantesque pyramide pour y déposer son corps glorieux, délesté des organes internes, embaumé, momifié, figé dans la position hiératique. Ce qui est curieux dans cette affaire c'est que la distinction du corps et de l'âme y est encore incertaine et flottante, s'il faut le substrat du corps momifié pour assurer la survie de l'âme - sans compter le fait que l'on disposait des aliments, des armes, des amulettes à côté du corps pour soutenir le défunt dans son voyage vers l'éternité. Ces pratiques manifestent une certaine indécision quant au statut véritable de l'âme, conçue comme entité clairement distincte du corps, dont la définition ne sera clairement élaborée que chez les philosophes grecs, en particulier par Platon dans le "Phédon". On y voit Socrate, dans un ultime entretien avec ses disciples, affirmer avec netteté la dualité du corps et de l'âme, la mortalité de l'un et l'immortalité de l'autre. Si les arguments rationnels ne peuvent établir avec certitude cette vérité, il reste à parier en assumant "le beau risque" de se retrouver, dans l'au delà, avec les grands penseurs et sages, pour de nobles entretiens. Quant à ceux qui viendront plus tard :

          "Adieu chers compagnons, adieu mes chers amis

            Je m'en vais le premier vous préparer la place" (Ronsard

Fort bien, mais qui peut sérieusement y croire ? "Un beau risque", dont la raison ultime n'est peut-être pas dans la promesse de l'immortalité, mais, plus sérieusement, dans l'instauration d'une redoutable menace. Encore "le moment égyptien" : à l'entrée de l'autre monde voici le dieu-juge qui pèse les âmes, distribuant les lots, qui au paradis, qui aux châtiments infernaux. Nous y voilà, on nous promettait l'illimité, la liberté et nous voilà pris au piège, garottés, embastillés. Et l'on se complaira des siècles durant à dépeindre les tortures infligées aux damnés, en insistant sur l'éternité du supplice. Toujours et partout le pouvoir politique et religieux vise à inspirer la terreur. - Remarquons en passant que l'argumentaire est grossier mais efficace. On représente l'enfer comme un lieu de douleur, mais ces douleurs sont physiques  : chairs éboulliantées, incisées, excisées, cisaillées, équarries, rouées, à l'image des supplices infligés ici-bas ; mais alors, où est passée cette âme réputée immortelle qui seule relevait de la juridiction divine ? On voit ici, comme plus haut, combien il est difficile de concevoir l'âme comme indépendante du corps. Une âme qui n'est qu'une âme serait parfaitement diaphane, un souffle imperceptible, un néant conceptuel, car toute sensation, toute perception, toute idéation implique nécessairement un corps.

Schopenhauer disait à peu près : une pensée sans cerveau est comme une digestion sans estomac. 

La notion d'âme est creuse, inutile et pernicieuse. Par contre celle de psychisme est opératoire et nécessaire, à condition d'en écarter tous les relents de mysticisme, de surnaturel et de religieux. En créant ses concepts le psychologue ou le psychiatre doit toujours s'assurer que la théorie se vérifie par l'observation empirique et non par un acte de foi. Idéalement toute science digne de ce nom se réfère à du réel, même s'il est patent que le réel, toujours, échappe par quelque côté à la prise.

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Commentaires
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Personnellement je n'écarte rien et me prépare à tout. Le monde est suffisamment tordu pour nous surprendre même après et je ne serais pas surpris que nous devions encore payer l'impôt une fois là-bas.
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P
C'est justement le côté du réel qui échappe à la "prise" scientifique qui aspire la foi.
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