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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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2 mai 2022

NASAMECU : soigner et guérir

 

NASAMECU : natura sanat medicus curat - la nature guérit, le médecin soigne. Soigner n'est pas guérir, on l'oublie trop souvent, du côté du médecin qui se prend pour un "guérisseur", et du malade qui attend trop de la médecine. L'adage nous enseigne que la guérison relève de la nature, qui guérira ou condamnera, sans appel. Mais que faut-il entendre par "nature" ? C'est la somme des processus vitaux à l'oeuvre dans l'organisme, éventuellement renforcé par le traitement, le "pharmakon" - dont on sait qu'il signifie autant le poison que le remède. Mais dans toute cette affaire que peut le sujet ? On aurait pu dire : je guéris, mais non, c'est la nature qui guérit. Je peux toujours vouloir guérir, ce que font la plupart, la volonté n'est pas suffisante. Et que savons-nous de notre véritable volonté de vivre ? Certains semblent déborder de vie et d'enthousiasme, qu'une crise cardiaque ou un AVC emporte dans la fleur de l'âge. D'autres, remarquables par leur perpétuel dégoût de la vie, leur ressentiment ou leur dépressivité, durent jusqu'à quatre-vingt-dix ans. On  juge sur les apparences et l'on ne sait rien des véritables et décisives dispositions inconscientes, qui font loi. Il faut donc compléter notre propos : la nature guérit, mais surtout la nature interne du patient, dont lui-même ignore presque tout. On en apprend parfois quelque chose dans le défilé des maladies et affections que l'on traverse, lesquelles nous font expérimenter des états psychiques particuliers, autant que la force ou la faiblesse de notre corps. La maladie est aussi un maître, rude, impitoyable, qui nous enseigne quelques éléments de notre nature inconnue.

Groddeck, qui était un grand médecin autant qu'un remarquable thérapeute, disait que le médecin ne doit pas rechercher à tout prix la guérison du patient, mais la laisser à la bonne volonté de la nature. Si l'on force les choses, on risque d'obtenir l'inverse du but recherché. La guérison est un concept de médecin, un idéal théorique, et rien ne permet d'affirmer que c'est bien cet état-là que le patient désire. Certains entretiennent avec la maladie un rapport fort complexe, paradoxal ou franchement contradictoire : ils souffrent, gémissent et se plaignent, mais au fond ils ne veulent pas du tout être privés de cette justification perpétuelle à la plainte. Leur douleur est un bien précieux, un souci familier, une occupation, un droit à la différence, une justification et un honneur : "je souffre donc je suis". Ou comme écrivait Elisabeth d'Autriche (Sissi) : "j'aime mieux ma douleur que ma vie même". Eh bien, laissez leur leur douleur, comme à d'autres leurs amours ! Peut-être y a-t-il une connexion secrète entre la douleur et l'amour. Sans parler même du lien qui se noue entre le patient et le soignant, de ce quelque chose en tiers, entre l'amour et la haine, "objet" transitionnel inconscient qui fait la qualité propre de la relation. Je peux vouloir guérir pour faire plaisir au médecin, quitte, à quelques semaines de là, à tomber malade à nouveau pour le mettre en échec, lui signifier son incompétence. A ce jeu là il n'y a que des perdants, mais certains le sont plus que d'autres !

Ne pas s'acharner à vouloir guérir le patient, ne pas vouloir à sa place, soigner sans imposer, considérer le patient comme un partenaire, non comme un objet déshumanisé, un "cas" plus ou moins intéressant -prendre en compte la dimension intersubjective (ce qui se passe entre le praticien et le patient), voilà quelques préceptes rudimentaires, qui vont de soi, mais qui, hélas, sont régulièrement bafoués dans la pratique, non par sadisme, mais par ignorance et manque de temps : comment soigner correctement si l'on impose des cadences drastiques, si l'on prétend rentabiliser les organismes de santé et pressuriser le personnel comme à la chiourme ?

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