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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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13 avril 2022

DE L'AUTHENTIQUE (2)

 

Dans "authentique" résonne "autos" - même, le même - et hen - un. L'authentique est conforme à soi, se manifestant dans l'unité de sa démarche. C'est ainsi que les personnages d'Homère sont authentiques, conformes, jusque dans la mort, à leur être propre, singulier, véritable. Ils sont ce qu'ils sont, ils ignorent l'aliénation, la division interne. Lorsque Achille, enragé d'avoir été spolié par Agamemnon, se retire dans sa tente, il est tout entier colère, dépit, hargne et malédiction. Et lorsqu'il jaillit pour venger son ami mort au combat, il est tout entier rage, vengeance, soif de sang, jusqu'à occir Hector et traîner son corps, attaché à son char, tout autour de la ville. C'est pourquoi Homère parle du divin Achille comme il parle du divin Ulysse, ou du divin Patrocle : le divin c'est l'authentique - par opposition à tout ce qui est divisé en soi, ambigü, ambivalent, soumis à quelque autorité extérieure.     

Dans le corpus hippocratique on trouve cette phrase remarquable : "Si l'homme était un il ne serait jamais malade". La maladie serait l'expression (le symptôme)  de la division intérieure, laquelle crée les conditions de l'affaiblissement. Tel organe, rompant le pacte inconscient qui lie tous les organes dans l'harmonie générale, fait sécession, prétend se gouverner par soi seul, se met à travailler pour son propre compte. Ou alors un miasme morbide pénètre dans l'organisme, déclenche une infection qui brise l'unité générale. Toute la question est de créer une unité supérieure qui puisse tenir, contenir l'extrême multiplicité des innombrables membres et parties du corps. Le corps est une individualité multiple et une, c'est là toute la difficulté. Une telle multiplicité ne peut faire unité que sous la juriction souveraine d'un principe unitaire, et si ce principe fait défaut, ou s'il s'affaiblit exagérément, l'unité est compromise, et la maladie suit comme l'ombre suit la lumière.

De la mort, dans le même esprit, on pourrait dire que c'est la maladie ultime, la division ultime, celles qu'on  ne peut éviter. Il faut croire que les forces de division, quoi qu'on fasse, ont toujours le dernier mot. Ce qui rend la vie, elle si précaire, si menacée, si incertaine et vacillante - infiniment précieuse, comme est précieuse la rose qui fleurit au matin et se fâne le soir.

L'unité du multiple, disions-nous, ne peut tenir que par la judiction souveraine d'un principe unificateur. Quel est ce principe ? Si je considère les enfants je vois en eux une belle énergie de croissance qui ne doit rien à la pensée, à l'intelligence ou à la connaissance. Et pourtant ils sont bien plus "un", authentiques donc, que ne l'est l'adulte, ce qui signifie clairement que ce principe est tout à fait inconscient, et qu'il agit d'autant mieux qu'il est inconscient, comme chez les plantes et les animaux. Le langage, la culture, l'éducation introduisent de la division, par exemple entre ce que je suis et ce que je dois être, entre les désirs et les idéaux etc. De là une forme de névrose, assez commune, dont on sort difficilement. Il faut un surcroît d'énergie, et d'intelligence, pour retrouver dans ce fatras ce qui était, ce qui est toujours, notre désir constitutif, et par là se donner à nouveau la chance d'une unité. Ce n'est certes pas l'unité native, mais une forme construite, élaborée, comparable à ce qu'est l'oeuvre d'art par rapport au naturel : une transposition, une métaphore, un changement de plan, une nouvelle hiérarchie.

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La mort comme maladie ultime, expérience ultime, voyage ultime, épreuve ultime. Que demande le peuple ?
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