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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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22 octobre 2021

DU CARACTERE : journal du 22 octobre 2021

 

Tout à la fin, je le confesse, je ne suis qu'un sentimental refoulé. Et comme cette sensibilité me porte plus à souffrir qu'à jouir j'ai, très tôt, pris le parti de la combattre, d'en réduire les effets. Et parfois de manière excessive, en surévaluant la raison, la discipline de pensée. Mais chacun sait bien qu'une telle politique rencontre rapidement des limites, sauf à se raidir pour de bon et à devenir un squelette ou une momie. Le refoulé fait retour, et souvent de manière plus brutale encore. Que valent alors tous ces laborieux systèmes de défense, toutes ces digues qui ne peuvent retenir la montée des eaux ?

Cela m'est arrivé deux ou trois fois, et à chaque fois ce fut un grand désordre, et une grande souffrance.

Il vaudrait mieux, comme dans la fable (Le Philosophe Scythe), éviter de tout laisser pousser à la diable, comme fait la libre nature, sans pour autant couper, trancher, amender tout ce qui dépasse ("un universel abatis"). Il vaudrait mieux gérer dans l'équilibre ce qui vient de la nature au regard de ce qui paraît souhaitable. Travail particulièrement difficile, précisément, pour le "sentimental", éternellement déchiré entre la violence de ses affects et la rigueur de ses principes.

Selon la caractérologie le type sentimental combine les trois éléments suivants : l'émotivité, la non-activité, la secondarité. Pour l'émotivité c'est patent et indiscutable. Non-activité ne signifie pas inertie ou immobilisme, mais plutôt difficulté à initier l'activité, tendance à traîner, à reporter, à flâner. Secondarité définit un retentissement long des affects et des pensées, avec parfois une tendance à la rumination. Bien sûr, ce ne sont là que des indications très générales, mais elles décrivent une disposition de base qu'il est très difficile de modifier, une manière d'être, de sentir et de penser - une idiosyncrasie - qui conditionne l'appréhension de la vie. On voit d'emblée les différences par rapport au colérique, au passionné, au nerveux ou à l'amorphe. Autant de caractères, autant de styles. 

Le caractère n'est en soi ni bon ni mauvais, il induit des opportunités, mais aussi des impossibilités : "Il faut écorcher un Moscovite pour lui donner du sentiment" (Montesquieu). Rousseau ne sera jamais Voltaire, et réciproquement. Mais il faut bien reconnaître que certains caractères sont plus favorables que d'autres, non seulement pour la vie sociale, mais aussi pour l'équilibre et le contentement intérieurs.

Le caractère c'est la phusis, la "nature" propre de l'individu. On ne change pas un caractère, on le polit, on le corrige quelquefois, mais dans d'étroites limites. Il est vain d'imposer des idéaux inaccessibles qui n'engendrent que frustration et culpabilité. Voyez Montaigne, indocile à toute pression et contrainte, qui s'épanouit librement et duement sous la tutelle d'un éducateur bienveillant. qui respecte ses rythmes, ses goûts et ses dégoûts, alors que dans les écoles du temps on mène les enfants sous la trique et la férule.

Pour en revenir à mon sujet - que je n'ai quitté qu'en apparence - je remarque en moi une sorte de sauvagerie inéducable, digne de l'Alceste de Molière, assez voisine de celle de Rousseau, qui me fait fuir les manifestations publiques, les défilés et autres rassemblements, et goûter plutôt les lieux de solitude, de retrait et de méditation, ou encore les groupes restreints où peut vivre une parole libre et conviviale, lieux admirables, amis chers, que relie l'inestimable philosopher-ensemble. Ce qui fait que, tout solitaire et réservé que je fusse, je pus me sentir à l'aise dans mon ancien métier de professeur, avec quelques élèves dans une classe, petit monde ordonné, voué à la culture. Cette sauvagerie que je notais plus haut aurait pu tout aussi bien me mener vers quelques positions antisociales si l'environnement avait été calamiteux. Ce qui m'a sauvé c'est la culture littéraire et philosophique, le goût du beau, l'amour et l'amitié. A partir des données infrangiles du caractère il s'agit bien de tracer un chemin d'évolution de la nature à la culture, et qu'enfin réunies, elles ne forment plus qu'une image sensible de la personnalité.

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