BAUBO : de la fécondité

Petit tableau mythologique : Déméter (la mère-terre), après la perte de sa fille Perséphone, enlevée par Hadès, sombre dans un profond chagrin, refusant de boire, de manger, de se baigner, de se parer, se comportant en tout comme une vieille femme stérile. Elle erre par toute la terre et c'est par hasard qu'elle pénètre dans le bourg d'Eleusis, où elle est accueillie par une étrange femme, Baubô, qui, d'un geste soulève sa robe, découvrant son ventre nu et "le gazon fendu d'Aphrodite". Selon certaines sources sur le ventre était dessinée une figure, peut-être un masque de Dionysos. Le miracle c'est que Déméter l'inconsolable soit saisie par le rire, et accepte dorénavant de s'alimenter.

Baubô c'est la femme impudique guérisseuse. Plus radicalement c'est le nom du sexe de la femme.

Devant la nudité du sexe féminin les uns se mettent à rire, et d'autres à fuir. On fuit comme on fuit la Méduse. Mais pourquoi le rire ? 

Déméter, qui se croyait morte, est rappelée, par cette vue, à la fécondité et à la vie. Peut-être que ce sexe dénudé prête à rire, mais il représente quelque chose qui échappe à la vue, qui ne peut se dire, qui ne peut se figurer que par des symboles et des images. Si la figure peinte sur le ventre est bien une représentation de Dionysos, le dieu de la puissance vitale, nous avons une dyade symbolique évidente : quelque chose et pas quelque chose, un vide et un plein, la vie et la mort, le sexe dressé, le sexe en creux. Cette dualité dynamique assure la vitalité de la terre et de la vie. 

Plénitude de la belle saison - la fécondité de Déméter ; puis l'hiver, tout rentre en terre, perte de Perséphone, deuil de Déméter. Les rythmes de l'année et de la végétation sont soutenus par les vertus et les occurrences divines.

Les Mystères d'Eleusis avaient pour objet de réaliser pour le myste une traversée de la mort qui lui assurerait l'immortalité. Nous ne savons pas grand-chose des rites qui présidaient à ces cérémonies, sinon qu'ils comportaient, à côté d'hymnes et de chants sublimes, des éructations de grossièretés et d'obscénités - pratique courante dans le culte de Dionysos. Après tout les obscénités ont aussi leur vertu : elles nous ramènent à l'instinct, exhibant alacrement la vérité de notre condition, démystifiant des idéaux dont le mieux que l'on puisse faire, est d'en rire.