Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
Archives
Visiteurs
Depuis la création 1 056 154
29 avril 2021

VISION DU TOUT : Empédocle

 

Le souci, clairement affiché, des premiers philosophes, était la considération du Tout et la révélation de sa loi. Comment comprendre le changement si au niveau du Tout rien ne change ? Car le Tout est impérissable et éternel. Le Tout c'est le dieu, le vrai dieu, et non ces figures populaires qui hantent les temples et provoquent la ferveur ou la terreur des foules.

Les Grecs n'ont jamais conçu une création de l'univers, ni une destruction. Le Tout est sans origine et sans fin, pleinement et à jamais il est. Voyez ce qu'en dit Empédocle  (fragment 118, traduction de Jean Bollack) :

    "Car elle fut et elle était déjà, elle sera, et jamais, pour moi,

    La Vie ne sera vide d'Elles deux, la Vie indicible".

Bollack traduit "aiôn" par "vie". Mais aiôn c'est une période, une durée qui peut être courte ou longue. Par la suite l'aiôn signifiera l'éternité, d'autant que aiôn est un dérivé de "aei", toujours. Traduire par vie c'est réduire abusivement la signification à un phénomène biologique dont nous savons bien qu'il n'est pas éternel mais historiquement déterminé. La vie n'est pas éternelle, mais le Tout l'est. Certes il a une durée, mais cette durée excède toutes nos représentations, infinie dans le passé et infinie dans l'avenir. On pourrait légitimement faire jouer l'opposition entre chronos, temps limité, mesurable, et aiôn, temps infini.

   « Car il fut et il était déjà, il sera, et jamais, pour moi

   Le temps ne sera vide d’Elles deux, le temps indicible »

Dans l'éternité du Tout s'exerce l'opposition d'Elles deux, entendons les deux principes cardinaux : Philia (amour) et Neikos (discorde). Il y a ce qui rassemble, qui lie, la belle oeuvre d'Aphrodite, et il y a ce qui divise, sépare, disjoint. Empédocle s'efforce de détourner le langage mythologique traditionnel au service d'une pensée nouvelle. Nous pourrions traduire : forces de liaison - forces de déliaison. Eros et Thanatos, non pas seulement dans la psyché, mais au niveau de la totalité, astronomique, physique, biologique - d'autant qu'Empédocle s'applique effectivement à rendre compte des phénomènes de la nature à la lumière de ces deux principes.

Aucun des deux ne peut l'emporter définitivement : la victoire finale de l'amour figerait le Tout dans l'immobilité, celle de Discorde entraînerait une dissémination dans le vide. Il faut les penser dans un rapport de contrariété sans début et sans fin. Tantôt l'un prend le dessus, tantôt l'autre, mais jamais jusqu'à épuiser le principe rival :

   "Tour à tour ils dominent dans les cercles du temps" (chronos)

En fin de compte la "divinité" caractérise tout ce qui est éternel : le Tout, Philia, Neikos - à quoi il faudra ajouter la liste des quatre éléments : terre, eau, air et feu. Mais on peut estimer que ces diverses réalités ne sont pas de même niveau. Peut-être que la notion de divinité chez les Grecs est relativement flottante. Chez Empédocle il est difficile de savoir ce qui relève de la poésie (admirable dans nombre de fragments) et de la science. Mais cette distinction n'a guère de sens au sixième siècle avant notre ère.

Publicité
Publicité
Commentaires
Newsletter
153 abonnés
Publicité
Derniers commentaires
Publicité