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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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2 février 2021

DE LA PONCTUATION PSYCHIQUE

 

Trois mois sans écrire  !

Depuis quinze ans, comme pour rattraper toutes les années mortes, poussé par un élan irrésistible, j'ai noirci, quasi quotidiennement, l'écran blanc de mon ordinateur, et voilà que soudainement je suis réduit au silence.

Aurais-je tout dit ? C'est peu vraisemblable. Je sais bien que dans la vie psychique, sauf cas extraordinaire, il n'y a pas vraiment de blanc. Les choses continuent de travailler dans les profondeurs, et plutôt que de s'alarmer il importe de se mettre à l'écoute. Ce n'est pas facile car, dans ces périodes maigres et sèches, on  se met à douter de tout, et de soi plus encore. L'énergie fait défaut, et le désir, et la vie semblent se retirer d'un organisme fatigué et flageolant. Tout conspire à une universelle décrépitude qui semblera bientôt le signe imparable de la prochaine ruine.

Plutôt qu'un point final mettons un point de suspension - sans savoir pour autant à quoi nous sommes suspendus. C'est plutôt l'injonction juridique : il faut surseoir à statuer. Ou comme disent les psychiatres : il est urgent d'attendre.

Quant au point d'exclamation il souligne le triomphe - que pour ma part je ne connais ni n'approuve - tel Nietzsche clamant du haut des cimes la leçon de l'Eternel Retour. J'aime mieux la devise de Montaigne qui s'énonce en point d'interrogation : Que sais-je ?

La ponctuation scande très naturellement le discours, marquant les temps forts et les temps faibles, offrant de la respiration, et un supplément d'âme. A ce titre elle tonifie le discours, l'humanise en quelque sorte. Peut-être même, dans certains cas, est-elle plus expressive que le texte proprement dit, ultime manifestation d'un sujet partout voué à se taire.

En poésie la chose est plus notoire encore : le rythme est assuré par l'alternance des temps forts et des temps faibles, des longues et des brèves, par la régularité ou l'irrégularité du vers, par les coupures, les enjambements, tout un arsenal métrique auquel s'ajoute enfin la ponctuation. On voit que les silences, la suspension, la cadence font la poésie autant que le sens, voire plus.

Ces considérations qui peuvent sembler hors sujet nous renseignent pourtant sur la structure de la parole, et par extension, de la psyché. On cherchera en vain une "parole pleine" qui dit la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Nos discours, comme nos actes, sont des succédanés (des succès damnés), des approximations, des halètements, des vagissements entrecoupés de plaintes muettes, de pauses méditantes ou flottantes, de regrets ou de projets. Discours autour d'un manque paradoxal, qui se déplace sans fin, et qui manque sa propre énonciation.

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Commentaires
Y
Lors du déjeuner avec un ami nous discutions de notre désinvestissement de la lecture. Loin d'être en décalage avec votre propos il me semble bien au contraire que le contexte actuel a des effets de sidération extrêmement virulents à l'image du virus. J'ose proposer comme hypothèse que c'est notre capacité de pensée qui est attaquée : ce qui arrive aujourd'hui sort du connu et l'humain n'a pas encore construit la ou les représentations adéquates d'où cette sideration quasi générale isolomorphe de la situation de confinement.
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