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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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24 novembre 2020

LA PSYCHANALYSE EST ELLE UNE SCIENCE ?

 

Pour répondre plus amplement à un commentateur du jour : je ne soutiendrai pas que la psychanalyse soit une science. Selon Popper qui fait autorité en la matière un discours, pour être scientifique, doit répondre au critère de "falsifiabilité" c'est à dire à la possibilité de voir l'expérimentation la démentir. Manifestement une telle expérimentation est impossible, si bien que les thèses psychanalytiques sont invérifiables. Mais il faut bien convenir qu'il en va de même pour l'histoire, la sociologie et l'ethnologie, sans qu'il faille pour autant les tenir pour des"religions". Entre le domaine étroitement circonscrit des sciences exactes (?) qui en principe délivrent un savoir vérifiable qui fait l'accord des spécialistes, et d'autre part le champ religieux qui relève de la croyance et des pratiques rituelles, s'étend un vaste domaine de recherche et de pensée où l'exactitude est problématique mais où se déploie une formidable richesse d'hypothèses et de propositions : philosophie, sciences humaines, histoire de l'art, psychanalyse etc.

La psychanalyse n'est pas une science, c'est plutôt un savoir et une pratique scientifiquement élaborés (pour reprendre la formule utilisée par Marrou au sujet de l'histoire). Dès ses débuts Freud entendait se placer dans le sillage de la science expérimentale, mais il dut reconnaître bien vite que par ses hypothèses et ses avancées thérapeutiques il se plaçait de fait en dehors de la science biologique et médicale. Mais l'inspiration scientifique demeure : il veut créer un vaste réseau de concepts qui puisse enserrer la complexité psychique, construire un savoir rigoureux et transmissible. Si on ne peut au sens strict parler d'expérimentation (qui supposerait une action à long terme sur une certaine population - alors que l'action thérapeutique ne concerne qu'un individu à la fois) une forme indirecte de vérification est possible dans le cadre de la cure. De tout cela découle un savoir, imparfait, amendable, perfectible, jamais fermé, semper reformandum.

Le plus intéressant, dans cette affaire, est l'idée de causalité psychique, laquelle est manifestement une transposition dans le champ de la psychè de la causalité naturelle. Pas d'effet sans cause, pas de cause sans effet. Les processus qui se déroulent au niveau conscient (pensées obsédantes, fantasmes, actes manqués etc) sont des effets de processus inconscients : idée féconde qui ouvre à l'écoute et à l'examen de la "part cachée", au refoulé, à la vérité du désir. L'absurde, l'incompréhensible perdent leur pouvoir occulte, une forme nouvelle d'intelligibilité s'offre au "chercheur d'âme"(l'expression est de Groddeck). C'est en ce sens que la psychanalyse est bien fille de l'esprit scientifique.

Je me demanderai enfin quelle est l'intention de tous ceux qui vont clamant que la psychanalyse n'est pas une science. Ce mauvais procès cache bien autre chose. On voudrait revenir à la situation d'antan, restaurer le mythe de la souveraineté du moi, et pourquoi pas de l'âme immortelle. Ceux qui sont dans la religion ne sont pas toujours ceux que l'on croit.

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Commentaires
G
Voilà de solides précisions qui contribuent puissamment à éclairer le débat. La critique intentée à la psychanalyse de n'être pas une science est un mauvais procès qui dissimule ses vraies intentions : discréditer une démarche qui met l'inconscient en évidence. Il faut croire que cela n'est pas supportable. Reste à savoir pourquoi.
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D
Dilthey (1926) distingue à juste titre les sciences de l'esprit et les sciences de la nature. Les premières sont compréhensives, les secondes explicatives. Freud a cherché à conformer ses découvertes et ses résultats au modèle causaliste analytique et explicatif issu du positivisme comme pour garantir l'objectivité de ses découvertes. <br /> <br /> En réalité, la psychanalyse est bien une science de l'esprit basée sur l'herméneutique (rêves, symptômes etc.) et les intentions subjectives inconscientes. La méthode compréhensive ne peut se confondre avec la méthode explicative -ce qu'a bien vu Jaspers dans sa Psychopathologie générale, (1928) qui critique Freud sur ce point.<br /> <br /> Il n'en demeure pas moins que LA science n'existe pas mais des sciences avec des méthodologies spécifiques possédant chacune une objectivité spécifique (voir l'excellent texte de Ricoeur sur ce point dans Histoire et vérité). A cet égard, la psychanalyse peut s'inscrire dans le champ des sciences humaines au même titre qu'une sociologie compréhensive (Max Weber) si bien que le critère retenu par Popper -la falsifiabilité, devient ici inopérant, une intention n'étant pas réfutable, celui-ci ne pouvant que distinguer science expérimentale de la non science expérimentale.
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