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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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20 novembre 2020

DE L'ATARAXIE

 

Ataraxie est un terme négatif, ou si l'on veut, privatif. La traduction littérale donne : non-trouble. Le verbe tarasso signifie : troubler, bouleverser, agiter. D'où tarachè : désordre, trouble, confusion. On songe aux désordres physiologiques, à l'agitation des affects, mais aussi aux violences des tourbillons, "aux vents qui soulèvent la mer" : "turbantibus aequora ventis". Le désordre, l'agitation sont des données initiales parce que la nature, dans l'homme et autour de l'homme, est rarement paisible. Le mouvement est partout et en tout, dans les atomes, dans la course des atomes, leurs heurts et rebonds, leurs combinaisons instables, leurs fuites, leurs échappées dans le vide immense. Toute organisation, née de rencontres atomiques, ne dure qu'un temps limité avant de revenir à l'indéterminé. L'homme ne saurait faire exception : troubles du corps, travail du besoin, effort pour restaurer l'équilibre. Troubles de l'âme agitée de désirs et de passions, incapable de calme et de repos, perpétuellement tentée par l'illimité. Troubles sociaux, renversements, révolutions. Modèle météorologique : tout s'agite, tout passe, bourrasques et marées. Modèle hydraulique : tout coule, rien ne s'arrête, tout fuit comme l'eau.

Il faut considérer avec sérieux cette donnée initiale si l'on veut prendre la juste mesure de l'ataraxie : en raison de ce caractère mouvant et instable de la réalité, l'idée d'ataraxie se présente comme un défi, un pari sur l'improbable. On estimera peut-être même que c'est impossible, ce qui à mes yeux est moins faux que de l'imaginer facile à atteindre, ou de la confondre avec une béate satisfaction. En fait le projet est à la fois héroïque et très simple : trouver en soi-même le principe régulateur qui permette de résister aux sirènes de l'imagination, aux illusions de l'avoir, du savoir et du pouvoir, aux désirs de jouissance illimitée.

Ou encore, plus simplement : ne pas ajouter du trouble au trouble.

Nous savons bien, nous modernes, combien un tel travail nécessite de patience et d'endurance. Nous savons que rien n'est jamais définitivement acquis, qu'une occurrence fâcheuse, un décès, une catastrophe imprévue peuvent remettre en question l'équilibre patiemment construit. Mais il reste que l'idée est fondamentalement juste, qu'elle mérite la considération et justifie l'effort. Vivre c'est maintenir l'équilibre précaire du corps et du psychisme dans le temps que dure notre vie - même s'il est patent qu'au bout du compte le mouvement universel emporte vaisseau et marinier dans la tarachè éternelle.

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Commentaires
C
Je vois avec plaisir que suite à la parution du "Secret d' Epicure " un de vos auteurs préférés vous nous régalez d'un beau texte sur l'ataraxie comme une abeille qui butine pour nous faire déguster son miel. .Je ne puis m'empêcher de vous faire partager ce superbe texte de Montaigne ,fidèle à son style imagé et métaphorique ." Les abeilles pillotent deça delà les fleurs, mais elles en font après le miel, qui, est tout leur: ce n'est plus thym ni marjolaine; ainsi les pièces empruntées d'autrui , il les transformera et fondra ensemble , pour en faire un ouvrage tout sien : à savoir son jugement" ( I 26,152 ) .Puissions nous à notre tour fabriquer notre miel et nous en délecter les papilles ...<br /> <br /> Claude
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