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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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1 octobre 2020

INVITATION A LA DANSE

 

Pour commencer d'écrire il me faut une expression saillante, un verbe, un adjectif, un bout de phrase qui éveille à la pensée. Puis je me lance. Alors j'entre par degrés dans un état mental très particulier, comme si je changeais de registre. Je disais jadis : l'ivresse est l'état du poète - et je dirais la même chose aujourd'hui, précisant qu'il ne s'agit pas forcément de poésie, et que le texte de prose se développe pour moi dans le même état : une sorte de griserie douce, teintée d'allégresse, et tantôt de tristesse, ivresse en effet où le débit, la couleur des impressions et des images prend un relief nouveau, ressuscitant de la cendre du temps, imposant la netteté des contours et la vivacité de la forme. Les mots eux-mêmes retrouvent une acuité, une fraîcheur nouvelles, et à certains moments se mettent à courir sur la page, à danser. Et alors c'est moi qui ai grand peine à les suivre, et je voudrais disposer d'un appareil spécial qui transcrive directement ce que je sens, ce que je pense, sur la feuille - sur l'écran, mais dans mon esprit l'écran est toujours encore une feuille, et toute ma culture est une culture du livre.

Lisant un poème, je retrouve instantanément ce même "état poétique", instantanément je plonge dans ce monde intermédiaire, mi réel mi fictif, ma perception se modifie, ralentit, se pose, les images sonores résonnent au rythme des vers, des allitérations, des scansions, des associations : douce ivresse de la musique, aux franges du rêve, entre conscience et inconscience. Et, paradoxalement, l'esprit est extrêmement vif, alerte et créatif, bien plus que dans les états ordinaires de conscience. A croire que, plongeant dans les profondeurs, dérivant sans résistance dans les eaux de la rêverie, l'esprit retrouve la source cachée de l'inspiration et de la vérité intérieure.

Ce que je dis là ne concerne pas les essais proprement philosophiques, où prédomine la réflexion consciente. Elle vaut pour ces innombrables textes où je me laisse aller à la fantaisie, poèmes, méditations, souvenirs, pages de journal et autres. Je me laisse parler, je vaticine, je rêve les yeux ouverts, j'appelle le lecteur à se laisser aller, à rêver, à voguer avec moi, contre moi et sans moi, dans ses propres contrées sauvages, obscures et oubliées.  Qu'il ne voie point ici présentation dogmatique, leçon, programme et injonction, mais la libre dérive d'un esprit abandonné à l'élan dionysiaque, l'invitation à dériver de même, selon le mot de Montaigne, "d'une ivresse naturelle".

C'est ainsi que l'écriture libre et naturelle se coule dans le rythme authentique de la psyché, ses orages, ses tourbillons et ses accalmies, et même, sans intention particulière, discrète métaphore, dans le mouvement universel.

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Commentaires
Y
Votre texte m'évoque l'image d'une pompe à eau qui nécessite le remplissage de son tuyau afin de pouvoir faire remonter l'eau de la terre. Sans cet amorçage la pompe reste tari, avec l'amorçage le contenu de la nappe jaillit à la surface pour notre plus grand bonheur.<br /> <br /> Reste à envisager le cas où la nappe serait limité...
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