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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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2 septembre 2020

CHAT ET CHIEN : fantaisie

 

Le Chat d'Hippolyte Taine est philosophe à ses heures. Voici un échantillon de ses fastes méditations :

"Le chien est un animal si difforme, d'un caractère si désordonné, que de tout temps il a été considéré comme un monstre, né et formé en dépit de toutes les lois. En effet, lorsque le repos est l'état naturel, comment expliquer qu'un animal soit toujours remuant, affairé, et cela sans but ni besoin, lors même qu'il est repu et n'a point peur. Lorsque la beauté consiste universellement dans la souplesse, la grâce et la prudence, comment admettre qu'un animal soit toujours brutal, hurlant, fou, se jetant au nez des gens, courant après les coups de pied et les rebuffades ?"

La conclusion s'impose d'elle-même : le chien est la réincarnation maudite, l'expiation nécessaire d'âmes pécheresses et coupables, chues dans le royaume des monstres affamés. Il s'agite, il gâte tout - on l'attache, on l'enchaîne, comment s'en étonner ?

Et encore ! Notre chat ne pouvait connaître ce jugement éclairé de Gilles Deleuze : "L'aboiement du chien est la honte du règne animal "! Reconnaissons que le chien est piètre musicien, tout au plus capable, dans ses bons jours, de fournir la basse continue. 

Mais tous ces jugements ne sont jamais que ceux d'un chat. Que dirait le chien au sujet du chat ? Nonchalance, apathie, paresse, flagornerie, mollesse, opportunisme, en somme la liste complète des sept péchés capitaux, l'orgueil surtout, l'orgueil qu'il tient des grands félins, dont il n'est que la pitoyable miniature, et s'il se donne des grands airs, c'est pitié de le voir si rabougri, si misérable, que d'un seul coup de patte, moi, le chien, je l'expédie.

Il est vrai que le chien eut ses défenseurs et ses émules patentés. Un certain Diogène ne fut-il pas appelé "le Chien céleste" ? Et le bon Arthur, qui appellait son caniche "atma" - l'âme du monde !

Parler d'âme, en ce décours, est risqué. Que l'homme s'imagine incarné en chien ou un chat révèle au moins qu'il lui est difficile de se couper de l'animalité sans sombrer aussitôt dans un angélisme factice. L'animal nous renvoie à nos origines, au corps de besoin et de misère, de jouissance aussi : je puis comprendre ce détour par la nature, et sans verser dans les rodomontades de Diogène, assumer cette corporéité qui gêna tant les puristes, mais qui me semble à moi consubstantielle à mon être. Je veux bien être chien ou chat, et ours, et tigre ou éléphant, si par ailleurs, comme le chat d'Hippolyte Taine, j'ai mes heureuses séances de méditation et d'écriture, sans lesquelles, je l'avoue, la vie me serait une torture, à la mesure de Prométhée sur son rocher de misère.

 

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Commentaires
G
Ravi d''avoir pu vous inspirer ! A la prochaine !
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B
Bonjour, étant étudiant en licence de culture générale, cet extrait m'a bien aidé à réaliser un devoir de philosophie sur la question des chiens et des chats, merci pour ce partage très très utile !
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A
Merci! <br /> <br /> J’ai beaucoup profité des « méditations » , même si j’adore chiens et chats et n’importe quel animal. Une coïncidence vient de se passer. Je ne connaissez pas Hyppolite Taine. Alors j’ai « glooglé » et trouvé que son naturalisme à inspiré Zola pour écrire « Thérèse Raquin » , que je suis en train de lire maintenant (« le résidu de toutes lés horreurs » selon Le Figaro en 1868 et dont je ne suis pas sûre de vouloir continuer).<br /> <br /> La mer et la littérature, elles sont bien à propos cette chaude été, les petites coïncidences aussi.<br /> <br /> Saludos!
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