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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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28 août 2020

SUR LA SYMBOLIQUE DE LA ROUE

 

La roue est un puissant symbole. En première lecture, selon de nombreuses traditions, la roue représente la douleur, la rotation infinie, sans issue, de la douleur. Schopenhauer parle de la roue d'Ixion -personnage mythologique condamné à tourner sans fin sur une roue enflammée, dans les Enfers - pour qualifier la détresse de l'homme voué à la répétition, ballotté de la souffrance à l'ennui, et de l'ennui à la souffrance. Les textes bouddhiques présentent la chaîne infernale des douze liens des origines interdépendantes, qui se conditionnent les uns les autres : ignorance, volonté, conscience, esprit/corps, organes des sens, contacts, sensations, soif, saisie, devenir, naissance, vieillesse et mort. Chacun de ces liens est rattaché à tous les autres, sans qu'il y ait de véritable cause première, car c'est la totalité des enchaînements qu'il faut considérer, qui forment système. Nous ne sommes plus du tout dans une imagerie mythologique, mais dans l'analyse expérimentale : décrire le plus exactement possible la souffrance, sa nature, son origine, sa suppression, et les moyens de la suppression (Les Quatre Vérités Nobles), ce qui laisse entendre qu'il y aurait une solution, une sortie de la roue, une libération.

Visitant le monastère San Marco à Florence je tombai en arrêt devant un tableau de Fra Angelico (La vision mystique d'Ezéchiel), qui représente un double cercle lumineux, le premier, intérieur, formé de huit petits tableaux, puis un autre, au delà du premier, qui fait tout le tour, formé de douze tableaux ; l'ensemble est lumineux, inspiré. Ce sont des portraits de saints ou d'apôtres, mais peu importe. Ce qui retient mon regard c'est la vision de la roue de lumière : que ce soit dans une culture ou dans l'autre, prévaut cette idée que la souffrance peut être vaincue. La roue de la malédiction est en elle-même, à certaine conditions, la roue de la libération.

Je n'attends rien, quant à moi, des saints, des apôtres, ni d'Ezéchiel, je veux être "à moi-même ma propre lampe", et c'est dans le pur concret de l'existence, telle qu'elle est, que je me demande si l'on peut sortir de la roue, et comment, sans évasion mystique, "sans fumée ni alcool". Quoi que l'on fasse, les conditions de la vie ne varient guère, la roue de la nécessité continue de tourner. En termes bouddhiques : on ne sort jamais du samsâra. Il n'y a pas d'ailleurs, il n'y a que de l'ici. La seule solution possible est de procéder, si l'on veut, à une révision du jugement. Les anciens disaient : placez-vous au centre du cercle, regardez tourner la roue. On encore : ne rajoutez pas de la souffrance à la souffrance, ne ruminez pas le malheur, cultivez les affects positifs, éjouissez-vous !

Un petit oiseau vient se poser sur la fleur de mon balcon. Bien sûr il tourne dans le samsâra, il a faim, il a soif, il cherche sa nourriture, il gobe les vers de terre, aujourd'hui et de toute éternité : destin de l'oiseau. Et le mien, mon destin, est-il si différent ? Je peux m'en lamenter. Mais aussi, cet oiseau est bien beau, léger, gracile, véloce, ailé comme une bonne nouvelle. Le temps est un oiseau qui passe, royauté d'un oiseau.

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