Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
Archives
Visiteurs
Depuis la création 1 056 089
7 août 2020

DU SENTIMENT D'ETERNITE

 

  "Elle est retrouvée.

  Quoi ? L'éternité.

  C'est la mer allée

  Avec le soleil ! " (Rimbaud)

Que dans certaines situations exceptionnelles le sujet puisse avoir le sentiment de l'éternité, on en conviendra aisément. Mais cela ne prouve rien. D'ailleurs, à peine retombée l'extase, on revient à la banale expérience de la banalité. On se demande même si ce ne fut qu'un rêve, rien qu'un rêve, chimérique et fugace, enchanteur et décevant. Pour ma part j'ai souvent éprouvé cette troublante impression au sortir d'un concert : j'étais parmi les dieux, je retombe dans la tourbe des hommes. 

Qui ne voudrait sortir des étroites limitations qui font notre condition mortelle et vivre d'une existence plus large, immensément ouverte à l'infini ? J'imagine aisément quelque astrophysicien poète qui oublierait de vivre pour se dissoudre corps et âme dans l'immensité. A trop contempler ces milliards de soleils je conçois que l'on y puisse perdre le bon sens, l'enracinement dans la terre.

L'éternité est une notion dangereuse. Elle ne saurait convenir à l'homme. Elle excède tout ce que nous pouvons nous représenter. Aussi faut-il la réserver au Tout - je dis le Tout et non l'univers, lequel n'est sans doute qu'une portion du Tout, une forme parmi d'autres. Cette éternité du Tout est lumineusement définie par Epicure : "le Tout a toujours été tel qu'il est maintenant et sera toujours tel. Car il n'est rien en quoi il puisse se changer ; et en dehors du Tout il n'est rien qui, étant entré en lui, ferait le changement" (Lettre à Hérodote, 39). Comprenons : le Tout en tant que Tout est toujours le Tout, sans extension ni diminution. Ce qui n'exclut nullement les changements, mais à l'intérieur du  Tout, sans que ces changements affectent la nature du tout. Des mondes naissent, des étoiles et des planètes, des espèces végétales et animales ; des mondes disparaissent, et des espèces, et des civilisations, mouvements du hasard et des rencontres, agrégations et dislocations, mais le Tout est toujours le Tout. Parodiant Homère nous dirons: il est, il était et il sera, éternellement identique à soi.

Cette position traditionnelle de la pensée grecque, qui exclut toute création divine, a pour effet de ruiner la prétention humaine à l'explication du monde ou de l'univers : le monde est là, la nature est là, elle y a toujours été, et nul homme ne peut s'en saisir, expliquer ou comprendre comment il se fait que les choses sont là. Ce n'est pas l'homme qui comprend le monde, c'est le monde qui comprend l'homme, le tient dans ses conditions et ses limites, dont il ne saurait sortir. Il y a je ne sais quelle humilité à penser de la sorte, dépouillant l'homme de ses prétentions et suffisances, le ramenant à la vérité indépassable de sa condition.

L'éternité, pour l'homme, est une figure de l'impossible. C'est marque de sagesse que de la laisser en son gîte naturel, et de nous tourner vers notre véritable disposition, qui est de mouvement et de passage.

          "N'aspire plus mon âme à la vie éternelle

          Mais épuise le champ du possible". (Pindare)

 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
X
"Elle est retrouvée.<br /> <br /> Quoi ? L'éternité.<br /> <br /> C'est la mer allée<br /> <br /> Avec le soleil ! " (Rimbaud)<br /> <br /> <br /> <br /> Q'on lise une mer "ailée" avec le soleil ou une mer "aller" avec le soleil, c'est toujours l'eau qui rencontre le feu, que l'immensité ne peut être retrouvée qu'à travers l'union des contraires.
Répondre
X
La loi de l'impermanence est surement fausse, il existe toujours le contraire de quelque chose. Quelque part, à un certain niveau, doit exister la permanence, c'est peut être le nirvana. Le Bouddha lui même a parlé de la cessation de la douleur et donc d'un état de paix immobile. Héraclite à vule feu mais n'a pas vu l'eau, il à vu le mouvement mais il n'a pas vu celui qui restait sur la rive. Rares sont ceux qui atteindront la Totalité.
Répondre
X
Ueshiba a expliqué que 8 forces soutenaient la création : le mouvement et l'immobilité, la solidification et la fluidité, l'extension et la contraction, l'unification et la division. <br /> <br /> <br /> <br /> J'ajoute que celui qui s'assoit immobile au bord de la rivière peut observer le mouvement de l'eau...
Répondre
Newsletter
154 abonnés
Publicité
Derniers commentaires
Publicité