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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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5 août 2020

LES TROIS PARQUES : journal du 5 août 2020

 

L'été est-il facile à vivre ? Ce n'est pas sûr. Certes, on ne travaille pas, ou moins. Certes, on entend profiter du beau temps, ou de la plage. Mais cette année il règne une ambiance délétère qui pousse plutôt à se calfeutrer chez soi, en attendant des jours meilleurs.

Pour le moment je renonce à voyager. Je m'apprète à finir l'été chez moi, entre l'écriture et la lecture. Je relis des livres que j'aime, je batifole un peu, je me laisse râvasser au petit bonheur. Chaque matin ou presque, une image de mon enfance vient me visiter, un arôme se lève doucement dans la mémoire, un parfum, une impression visuelle ou auditive, étrangement vivaces après plus de soixante-dix ans d'existence. Le vieil homme donne la main au gamin qu'il a été, et qu'il est encore, et toujours. Cela fait comme une boucle où la fin épouse le commencement. "Rien de nouveau sous le soleil". Tout ce qui été vécu, éprouvé, pensé, paraît, sous cet âpre soleil crépusculaire, singulièrement vain, inconsistant et dérisoire. Et pourtant, quelle ardeur, quelle rage d'exister n'avons-nous déployé dans le monde pour assurer, affermir l'existence de ce sujet unique en son genre, irremplaçable et précieux !  Rien ne semblait plus important que cet effort, ce conatus pathétique, quasi désespéré, et qu'en reste-t-il à présent, quand on mesure ce que sous peu il en restera ?

La première Parque (la naissance) est la fileuse. La seconde (le sort) déroule le fil. La troisième (l'intransigeante) le coupe. C'est le symbole de l'existence humaine.

Groddeck disait plus abruptement : le berceau et la tombe. Entre les deux l'illusion d'exister.

Ce terme d'illusion est à prendre au sérieux. L'illusion est un jeu (ludo, jouer) ce n'est pas une erreur, et encore moins une faute. Un jeu sérieux si l'on veut, où l'on mise l'existence sur quelque valeur qui nous paraît valoir, qui peut nous faire espérer le meilleur ou nous précipiter dans le pire. D'où cette impression, qui nous saisit parfois, de n'être pas tout à fait réels, pas tout à fait sincères, et que par un certain côté de notre être nous sommes à la marge, décalés, hors-jeu, vivant d'une vie souterraine en croyant vivre au grand jour. Dans le jeu, joueurs impénitents, et hors jeu, fatalement.

Une vie rêvée autant que vécue. C'est cela que nous enseigne cette mémoire d'enfance, la durée imprescriptible d'un dialogue inapparent qui se poursuit en filigrane à la marge de la conscience, dont quelques bribes affleurent çà et là, et qui, mises bout à bout, restitueraient le fameux fil de la Parque, celui qui symbolise la destinée humaine, avant qu'Atropos, la troisième, ne vienne infailliblement la trancher.

 

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Commentaires
A
C'est étonnant ce texte. En le lisant, sont réadvenues les images des cinq osselets en métal avec lesquels j'ai tant joué, solitaire dans mon jardin d'enfance. Jamais le souvenir de ces osselets n'ravait rejialli en 70 ans passés, et sur texte les voilà, vifs en images, quasi en relief, et le dos de ma main pour les recevoir, toute petite sensation. Osselets,os laids, mort, Hamlet se promène dans nos âges, la fumée épaisse de tout ce qui a défilé, filé, fil, qui va se dissiper à jamais. Car nous ne saurions transmettre cette fumée noire du souvenir. Peut être que la tristesse de la mort n'est pas celle de de quitter la vie à l'instant où tout s'échappe, vanité, mais touit ce contenu vécu qui se vide dans un néant définitif
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