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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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13 juillet 2020

LA TRILOGIE D'ALEXANDRE DUMAS

 

Je viens de relire, une fois de plus, la grande trilogie d'Alexandre Dumas, qui m'aura fait rêver tout au long de ma vie : Les Trois Mousquetaires, Vingt Ans Après, Le Vicomte de Bragelonne, dans la version intégrale qui comprend quelque 3000 pages ! Pour un lecteur paresseux comme je suis c'est un exploit insigne d'avoir su voyager de la sorte, sans lassitude ni contrariété, me laissant conduire par la main dans les dédales d'une époque troublée, en compagnie de personnages remarquables : Richelieu, Louis XIII, Anne d'Autriche, Mazarin, Colbert, Fouquet, Louis XIV, La Fontaine, et tant d'autres, en sus des quatre héros fameux dont tout le monde connaît les noms. 

Après la jeunesse (Les Trois Mousquetaires), les rêves de gloire et d'amour, vient l'âge mûr, avec ses déceptions et ses réajustements (Ving Ans Après). Après la Fronde le pouvoir absolu. On change d'époque, on change de style. Que reste-t-il des anciennes valeurs chevaleresques, de l'héroïsme guerrier, de la frénésie baroque ? On s'en va tout doucement vers les terres ombreuses de la vieillesse, les héros meurent les uns après les autres, et à la fin ne reste qu'une rêveuse mélancolie.

C'est évident : le personnage principal du roman c'est le temps. C'est la rivière impersonnelle qui engloutit les individualités les plus fortes comme les plus faibles, qui ne laisse qu'un peu de glaise noirâtre après son passage.

Que devait penser notre Roi Soleil, couché sur son lit d'agonie, lui qui avait construit Versailles, construit l'Etat, fortifié la monarchie, fait trembler les royaumes d'Europe - mais aussi révoqué l'Edit de Nantes, persécuté les protestants, promulgué le Code noir sur l'esclavage, ruiné les peuples par des guerres incessantes - que devait-il penser à présent, le corps défait, l'âme anxieuse, à l'heure grave où il se présenterait devant le Créateur ? Qu'est ce que le temps, se demandera-t-il, si le temps est ce qui porte toute chose à son zénith avant de la défaire en poussière ? Pour un roi, je suppose, qui eut tant de pouvoir sur les hommes, cette idée doit être encore plus douloureuse, quand elle l'est nécessairement au premier roturier, au charretier et à la poissonnière. 

La seule consolation, en ce décours, est de songer très fort à ce qu'on laisse derrière soi : des enfants peut-être (là encore je pense à Louis XIV qui aura vu mourir son fils, puis son petit-fils, deux enfants de son petit-fils). Des enfants, certes, mais ils ne sont pas à nous, ils vivent de leur propre vie qui ne doit à peu près rien à la nôtre, et qui nous oublieront. Et puis des oeuvres, si toutefois nous avons pu réaliser quelque chose de valeur. Mais là encore ce n'est pas nous qui en déciderons. Et dans quelques cas fort rares, un nom, ou un prénom,  qui jouiront quelque temps d'une existence virtuelle, laquelle de toute façon ne nous appartiendra pas.

Mais qu'importe : il y a de beaux symboles qui traversent les siècles et qui sustentent ceux qui les aiment. J'ai, depuis mes treize ans, un attachement profond à ces quatre héros : Porthos le génie de la terre, charnel, puissant, magnanime ; Athos le grand seigneur, idéaliste et incorruptible, génie de l'air ; Aramis, ambigu, secret, rusé, insaisissable, génie de l'eau ; et plus que tous D'Artagnan, le plus intelligent, industrieux, courageux, le plus libre, ardent et prosaïque, génie du feu.

A chaque fois que je finis ma lecture je ressens cette tristesse vague et douce qui ne va pas sans charme, comme la nostalgie d'un coeur dont l'amour se perd. Mais c'est le propre des oeuvres impérissables qu'il suffit de le décider pour que le charme, à la prochaine lecture, puisse opérer à nouveau, tant que dure la vie.

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