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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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22 juin 2020

LE PENSEUR DU MATIN

 

Le penseur du soir, la journée faite, songe au bilan. Il calcule les pertes et les acquis, soupèse leur valeur relative. Dans sa version dramaturgique, c'est l'homme de la "fin de l'histoire", celui qui rassemble en esprit tous les événements, toutes les mutations, en dégage le sens, et pose sa conclusion : Hegel affirmant que la signification du monde, sa raison dernière, se réalisera dans l'Etat, - prussien de préférence.

Le penseur du matin est un poète : du jour d'avant, et de la nuit écoulée, il n'a nul souvenir. Le temps a tout effacé. Table rase, pensée rase. Au matin tout commence, chaque jour est le premier : "le soleil est nouveau tous les jours".

La pensée, ici, puise sa source dans l'effectivité du sentiment, dans le valoir de la sensation. "Pathos" disaient les Grecs. Ebranlement de tout l'être, corps et esprit. Affectivité, effectivité : il n'y a nulle honte à évoquer ce soubassement, cette "branloire" du pathos, qui s'émeut de la terre et de l'air, des feuilles et du vent, des nuages et du soleil. "Tout bon" disait le bon Michel, tout bon, même si nous n'y comprenons rien, ou presque, tout bon ce qui m'échauffe et m'exalte, me fait vibrer en résonance.

Etrange savoir en vérité que cette nescience savante ! Ce que je croyais savoir, je l'ai oublié, la nuit a tout effacé, et je me retrouve, vierge et nu, à l'orée du monde. Les pensées qui viennent sont comme les nuages dans le ciel : elles viennent et passent, disparaissent et reviennent, mais ce ne sont jamais tout à fait les mêmes, elles sont des compositions éphémères, consistantes et inconsistantes, comme ces images de rêves dont nous ne savons pas si elles sont réelles ou irréelles.

Quand vient le soir toutes choses se font lourdes et confuses. Il n'est pas bon de penser le soir, il vaut mieux laisser le corps reprendre la gouverne, consentir à la pesanteur des membres, accueillir la chaude volupté du sommeil. Alors vient ce moment où la conscience se laisse absorber par les rythmes corporels, descendre et alanguir dans la sensation bienheureuse du laisser-faire. Couler dans l'inconscience, oubliant la pensée, l'identité même. La nuit aussi est toujours la première. Peut-être la dernière ? Qui sait ? Parions qu'au réveil ce sera pour nous le premier de nos jours.

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