Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
Archives
Visiteurs
Depuis la création 1 054 760
25 mai 2020

PHILOSOPHIE DU FEU : Héraclite et Pyrrhon

 

Le nom de Pyrrhon, nous pouvons légitimement le mettre en consonance avec pyrrhos : d'un rouge ardent, ou roux en parlant de cheveux ou de barbe, et encore : fauve. Cela vous dépeint un personnage haut en couleur ! Mais pyrrhos à son tour est un adjectif dérivé de pur, ou pyr - le feu. Pyrrhon est un philosophe ardant le feu ! Comment savoir si ce nom de Pyrrhon est un sobriquet, qualifiant une apparence originale, comme Platon (le large d'épaules) l'était pour Aristoclès ?

Ces remarques ne sont pas déplacées, ou insignifiantes.

Le philosophe du Feu c'est Héraclite. Pour lui le feu était plus qu'un élément comme les autres (la terre, l'eau et l'air) c'était le principe de la transformation universelle : tout vient du feu et retourne au feu. Ce qui fait qu'il nous est assez difficile de comprendre ce que Héraclite pensait exactement sous le terme de feu. Le monde est "ce feu toujours vivant qui s'allume et s'éteint en mesure". Ailleurs il considère le feu comme la valeur d'échange - tout s'échange en feu comme les marchandises s'échangent en or. "Le feu survenant saisira et jugera tout". L'idée forte qui se dégage aisément de ces maximes c'est que le feu est conçu comme l'opérateur du changement, qui fait ne rien ne puisse demeurer dans l'état, que tout est soumis à la loi de la variation universelle, mais pas n'importe comment : le changement n'est pas un chaos mais un ordre de permutation des éléments les uns dans les autres : " mort de la terre, de devenir eau, mort de l'eau, de devenir air, de l'air de devenir feu ; et inversement". Le changement est perpétuel mais réglé, s'opérant par phases, ou cycles, vaste mouvement de la nature que nous pouvons entrevoir et dont le discours (logos) du philosophe s'efforce de donner la raison (logos).

Enésidème dira " l'orientation sceptique est une voie menant à la philosophie d'Héraclite". Oui, d'Héraclite qui soutient que tout s'écoule et que rien ne demeure. Mais sûrement pas d'Héraclite qui pense tenir le mouvement sous la loi du Logos. Un tel Logos, s'il existait, serait inconnaissable. Mais rien ne permet d'affirmer qu'il existe. La pensée pyrrhonienne fait sauter toutes les catégories de la raison, nous mettant en présence des événements purs, phainomena : surgissements, apparences, ou apparences d'apparences. Dès lors, plutôt qu'une temporalité réglée et ordonnée, c'est le jeu insaisissable du hasard qui détermine les occurrences de la vie. Le feu qui gouverne n'est plus le sage ordonnancement du logos, mais le principe sans principe qui jette les choses dans l'existence avant de les dissoudre dans la mort : toutes choses se révèlent "pleines d'irrégularité (anomalia) et de désordre (tarachè)". Point-limite de la philosophie : impossible d'aller plus avant, le langage lui-même échouant à dire cette évidence d'un être-là sans concept..

----

... Petit additif hypothétique : pour ma part je verrais volontiers le feu d'Héraclite sous deux aspects, l'un visible, l'autre invisible. Le visible c'est le feu comme élément, offert à la perception, qui se nourrit du non-feu pour croître, et qui détruit le non-feu par la combustion. A ce niveau le feu est l'un des quatre éléments traditionnels, mais aussi le plus dynamique, et le plus destructeur : il change radicalement l'aspect des choses, engloutissant forme et matière. Mais Héraclite soutient également que le feu est "gouvernant" "toutes choses la foudre les gouverne" - ce qui laisse entendre qu'au delà des apparences, ou en deçà, le feu organise la matière, détermine l'apparition autant que la destructuration, à la manière d'un opérateur universel. Peut-être s'agit-il là d'une anticipation obscure de ce que la physique moderne entend par énergie, et le rapport entre le feu et les autres éléments serait comparable au rapport de l'énergie et de la matière. Tantôt l'énergie est incluse dans la matière, tantôt elle s'en libère, produisant les changements les plus considérables.

Publicité
Publicité
Commentaires
Newsletter
155 abonnés
Publicité
Derniers commentaires
Publicité