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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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4 mai 2020

APOLOGIE DU VIRTUEL

 

Il est remarquable que les diverses sagesses, à quelques nuances près, énoncent les mêmes principes de base pour l'existence : condamnation de l'excès en tout genre (l'hubris), éloge de la tempérance et de la prudence, souci de soi, bienveillance envers autrui. "Changer ses désirs plutôt que l'ordre du monde" disait Descartes. Mais il est tout aussi remarquable que ces nobles préceptes soient sans effet, hier comme aujourd'hui. Quelque chose dans l'organisation psychique de l'homme vient contredire ce discours, le réduisant pour l'essentiel à un voeu pieux, une de ces rengaines que l'on répète par bienséance, et que l'on s'empresse d'oublier dans la pratique. "Je veux le bien mais je désire le mal" - voilà qui pourrait fournir un apophtegme de vérité à notre propos.

Encore que parler de "mal" ne soit qu'une approximation, elle-même dérivée du discours moral. Si je déplace le point de vue je ne parlerai ni de mal ni de bien, mais de norme et de hors-norme. Le désir ne va pas à la norme, il va ailleurs. C'est cet ailleurs qui fait problème. Et c'est pourquoi toutes les cultures humaines s'efforcent de le réguler, le domestiquer, le maîtriser, le refouler, ou le castrer.

L'ailleurs en question n'est pas à proprement parler un lieu que l'on pourrait définir ou décrire - ni les îles bienheureuses, ni le continent sauvage, ni Les Marquises de Gauguin - toujours la déception suit le voyage parce que "ce n'est pas ça", c'est toujours autre chose encore, et l'on pourrait faire le tour de la terre, et pourquoi pas, revenir au point de départ. C'est plutôt, comme dit Baudelaire je crois, "quelque part en dehors du monde", hors lieu, hors temps.

Ce qui signifie clairement que ce "lieu" désigne un espace psychique hors de la réalité. Un irréel. Ou un imaginaire. Ou un virtuel.

Ce qui distingue un imaginaire d'un virtuel c'est que l'imaginaire se borne à des représentations fantaisistes qui ne quittent pas le champ de la représentation interne : rêverie, fantasme, divagation. Le virtuel possède un certain degré de réalité, il s'extériorise dans le champ de la représentation collective, il crée une "réalité fictionnelle" qui est à mi-chemin du rêve et de la réalité réelle. Lorsque Gauguin projette de partir pour Tahiti il ne se contente pas de rêver comme rêvaient ses contemporains (qui n'a rêvé de ces îles fabuleuses, et des vahinés, et des cocotiers au bord de la mer ?), il agit le rêve, il crée de toutes pièces un virtuel, à la fois réel et fantasmatique, dont ses tableaux seront le prodigieux media pictural. Images certes, mais sensibles, tactiles, visuelles, charnelles. On pourrait dire : Gauguin invente le cinema, avant l'heure, avec les moyens d'un art nouveau porté à l'exubérance.

Si tu ne peux porter ton désir dans la réalité, s'il ne te suffit pas de l'imaginer dans ton esprit, exprime le sur le mode virtuel, efforce-toi de créer une oeuvre qui invente une synthèse inédite où tu pouras te surprendre et te reconnaître.

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Pour Gauguin le style primitif est la solution aux problèmes de l'homme moderne endormi : retrouver les paysages et couleurs pures, les instincts, l'audace, la religion obscure, bref le fauve ( art fauve ) en chacun de nous.
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