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UNE HISTOIRE DE BLOG : journal du 23 avril 2020
Voilà une quinzaine d'années que j'ai commencé ce blog. J'y voyais l'opportunité d'être à la fois l'auteur et l'éditeur de mes textes, enfin libre. Je n'ai jamais regretté ce choix. Encouragé par un lectorat significatif, j'ai bien l'intention de poursuivre cette aventure "tant qu'il y aura du papier et de l'encre", tant que je serai capable d'écrire.
A quinze ans je savais que je serais écrivain. Durant quarante longues années je dus mettre de côté ce désir, que dis-je, cette nécessité pressante d'écrire, y consacrant à la dérobée quelques heures de ci de là, heures volées à l'obligation professionnelle ou familiale, ruant et piaffant d'impatience, et sur le fond très malheureux. Je n'étais pas mauvais professeur, plutôt à l'aise, réceptif et inventif, fort apprécié de tous, mais c'était un rôle, je le jouais avec une certaine aisance, parfois avec brio, mais un rôle tout de même, commandé par la nécessité sociale, en attendant le jour de la délivrance.
Il n'est pas étonnant, à relire cette histoire, que ce conflit interne, inapparent mais crucial, ait fini par me miner et me contraindre à une retraite anticipée.
C'est vers la soixantaine, enfin, sans obligation, sans contrainte, que je pus, dans un espace élargi, dans un temps immensément ouvert, laisser pousser mes ailes et m'élancer en plein ciel.
Ce blog, depuis sa naissance jusqu'à aujourd'hui, est le récit de cette aventure de pensée, mais aussi de sentiment, et même de sensation, de perception, d'imagination. Je me flatte de marcher sur mes deux pieds, et de voler à l'occasion avec mes deux ailes : intellect et sensibilité intimement conjoints, communément déployés !
J'honore la philosophie mais elle n'est qu'une moitié, et fort desséchée sans le coeur.
Mes premiers essais - que je n'ai nulle envie de relire, et j'en parle de mémoire - étaient souvent des analyses d'auteurs : il fallait en passer par là pour affiner mon jugement, mais bientôt je voyais émerger ma propre pensée, qui se confirmait, se structurait au fil du temps. Les références se firent plus rares, et bientôt elles disparurent, à l'exception de quelques citations choisies, distillées comme ornements comiques ou stylistiques. A présent, sans conteste, c'est bien moi qui parle, c'est ma voix qui résonne dans ces textes, c'est même le plus intime et le plus décisif qui s'affirme et se confirme. Je dirai volontiers comme Descartes : "je suis, j'existe".
Cette expression toute personnelle, toutefois, je ne pourrais souffrir qu'elle s'abâtardisse en confession inopportune, en complaisance narcissique. Tout le propos sera toujours de relier le plus personnel à l'universel. Ce "je" qui parle, nourri de l'expérience vécue, se doit mettre en rapport avec l'expérience commune, se hisser au niveau de la formulation universelle, comme font poètes et philosophes lorsqu'ils narrent leur aventure de pensée. C'est à ce prix que le lecteur peut voyager dans un texte qu'il n'a pas écrit, mais qui résonne en lui, lui révélant ce qu'il ne savait pas savoir. C'est ainsi que va le train de la vérité.
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