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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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20 mars 2020

Journal du 20 mars 2020

 

Ce moment très particulier que nous vivons tous, ces temps-ci, a de quoi solliciter la curiosité des sociologues, ethnologues ou anthropologues. Pensez donc ! Une société entière sous cloche, on n'a jamais vu ça de mémoire d'homme ! Un laboratoire sociologique à ciel ouvert. Des comportements insolites, entre l'angoisse et la révolte, et demain peut-être, à de longues semaines de confinement insupportable, de cohabitation forcée, pourraient suivre de soudaines explosions d'agressivité, des épisodes dépressifs, des divorces en masse - ou une natalité galopante ! Je me demande ce que deviendrait notre monde si de telles crises sanitaires se renouvelaient tous les deux ou trois ans, ce qui n'est pas impossible. Car enfin il faudrait réfléchir sur les causes, et pas seulement sur les conséquences. Question : en quoi le système productif, notamment dans le secteur alimentaire, est-il responsable de la pandémie ?

Je n'ai évidemment nulle compétence pour juger de ces choses. Je suis réduit à la violence de mon étonnement. Je regarde, j'observe, je m'inquiète. Nous sommes tous, plus ou moins, acculés à constater la fragilité de notre monde. Un petit virus, et la société tremble, l'économie bafouille, tout ce qui semblait assuré, tout ce qui fonctionnait, pris de vertige.

On songe inévitablement aux grandes épidémies dont le souvenir perdure dans l'inconscient collectif. Mais le propre de celle-ci c'est que l'agent viral est invisible, ce qui fait que bien des personnes, ne voyant pas la cause, ne croient pas aux effets, d'où la négligence, le scepticisme, l'imprudence. On ne sait s'il faut croire les autorités, soupçonnées d'en rajouter et de crier au loup.

Mais il y a les faits : chacun de nous peut soudainement être atteint, et virtuellement, condamné. Surtout les personnes qui souffrent déjà de pathologies lourdes. Ce qui modifie du tout au tout la perception du temps. Ici, je parle en mon nom : qu'est ce que le temps, si le temps est suspendu dans la détermination indéterminée d'une échéance toute proche ? Cela est vrai pour toute existence en général, dont le terme est inconnaissable, mais la proximité de l'échéance donne à l'ensemble un surcroît de pathos, lequel modifie la perception du temps. Pour le dire plus simplement : on se découvre mortel, non selon une vague généralité impersonnelle, mais comme imminence absolument personnelle. A chacun, proche ou lointaine, résonne cette voix qui

                                        "Compte au père du temps

                                        Les coups de l'heure au timbre d'or" (Hölderlin, Antigone)

L'ouverture infinie, qui est le propre de l'enfance, dans la conscience de l'homme averti entre en conflit avec le savoir de la finitude. D'où un assombrissement, qui peut tout gâcher. Mais on peut aussi, face au destin, saluer chaque matin nouveau comme une grâce. Le merle chante dans les feuillages : c'est peu de chose, mais c'est inestimable.

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Je n'oublie pas : 20 mars 1770, naissance de Friedrich Hölderlin. Notre poète. Mon poète. Pour toujours.

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Commentaires
G
Je pense qu'il faut attendre la décrue pour faire un bilan : alors on verra si tout ce bouleversement était ou non nécessaire, et tirer des enseignements pour la politique de santé, et la politique en général. Il est évident que le modèle néolibéral en vigueur jusqu'ici a montré sa faillite. Quand le marché s'effondre on va supplier l'Etat de mettre des milliards en circulation, et l'on pratique des nationalisations dont on se moquait auparavant.
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D
Il est intéressant de remarquer qu'une affection qui ne menace "que" 2% des personnes infectées par ce virus soit capable de produire un tel effet global.<br /> <br /> L'irrationalité gouverne le monde. L'alcool tue 40000 personnes en France par an, le tabac 75000. Ces morts n'apparaissent pas sur la scène publique et ne concernent que des consommateurs (sauf pour le tabagisme passif...). La Covid19, est nettement mois dangereuse et frappe des personnes déjà affaiblies ou peu résistantes de manière invisible.<br /> <br /> Sans doute un des ressorts de l'angoisse collective est-il dans nos tendances paranoïdes et dans l'irruption d'un "réel" qui échappe pour une part à nos représentations.<br /> <br /> Mais un autre élément a surgi à la conscience avec cette crise : c'est que nos services de santé sont incapables de faire face ! Personne n'a évidemment le désir de se retrouver dans un couloir, abandonné de tous et sans soins réels faute de moyens, image insupportable d'un échec total de la politique de santé. <br /> <br /> Notre ministère de la santé est en réalité un ministère de la morbidité nationale avec tous les effets secondaires qui infiltrent désormais la conscience collective.<br /> <br /> Aller à l'hôpital, c'est prendre un risque sérieux pour sa vie malgré la bonne volonté des soignants. <br /> <br /> C'est en somme une autre image de l'impuissance pire sans doute que la première : l'acceptation d'un modèle socio-économique qui nous tue !
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S
analyse pertinente....merci infiniment
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A
Merci Guykarl pour ce billet qui parle tant bien de la situation inédite qu’on est tous en train de vivre.<br /> <br /> Je n’ai rien à ajouter sauf qu’Il y a toujours l’aube. Attendrons l’aube.<br /> <br /> Prendrez soin de vous. <br /> <br /> On compte sur votre philosophie et votre poésie. Merci encore. <br /> <br /> Un abrazo, Ana
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J
Merci de votre réponse. Comme Freud l'a fait dans ses textes dits " de psychologie collective", la translation de la psyché individuelle aux mouvement des inconscients groupaux n'est pas à prendre sans être repensée à nouveau et re conceptualisée. Mais c'est une hypothèse éclairante qui va des petits groupes ( Anzieu, Kaes) aux organisations ( Eliott Jaques) à une psychologie des "foules" (E. Enriquez). Pour ce plaisir de la discussion, déjà !
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