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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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11 mars 2020

TEL PERE TEL FILS ?

 

C'est, à tout prendre, une bien difficile situation pour un fils qu'un père trop parfait. Comment fera-t-il pour le contester, s'en détacher, prendre son envol vers la liberté de son propre désir ? C'est la réflexion que je me faisais en relisant, une fois de plus, l'inépuisable "Vingt ans après" de Dumas, qui nous présente un Athos idéalisé, grand seigneur, noble à tous égards, fier, élégant, fidèle, incorruptible... agaçant à force de perfection. Et cela d'autant plus que, se découvrant une paternité tardive, il aura su vaincre son penchant fatal pour le vin, afin de donner une belle et bonne image de gentilhomme à son fils.

Je me dis : c'est trop d'honneur ! Peut-être vaut-il mieux, pour le fils, avoir un père un peu plus imparfait, critiquable et contestable. Ce qui est heureusement la norme, car enfin les héros ne courent pas les rues. Athos est un personnage de roman, et je n'ai jamais rencontré son double dans la vie réelle. Je vois aussi que les plus grands esprits, les plus grands artistes, présentent, à côté de qualités exceptionnelles, de piteuses et calamiteuses infirmités psychologiques ou morales : Picasso génial en peinture et méprisable dans la vie domestique, Gauguin ou Gide pédophiles, Schopenhauer réactionnaire, colérique et violent, décrochant un coup de poing à sa logeuse, Kant atrabilaire, misogyne et puceau, et ainsi de suite. L'homme est ainsi fait que s'il brille d'un côté c'est pour mlieux s'assombrir de l'autre, et qu'il lui est quasiment impossible de développer harmonieusement toutes les virtualités de sa nature. Et nous voici tous plus ou moins bancals, clopinant déhanchés sur le chemin de la vie. 

Le héros lui-même a sa faille, par où entre la tentation du pire, et la mort. 

Le jeune homme a le besoin d'idéaliser pour grandir : il faut que quelque chose de noble le tire en avant. Mais c'est au prix d'une déception : le héros n'est qu'un homme, et dorénavant il faudra vivre en se passant de héros. Espérons que la chute ne soit pas trop vertigineuse, et qu'un rétablissement (dans les deux sens du terme) favorise une plus juste appréciation des choses.

Certains ne se remettent jamais de leur désillusion et versent dans l'amertume du nihilisme. Ceux qui s'en remettent accèdent à une forme de sagesse, intelligente, mais qui ne va pas sans tristesse. Chacun sait bien ce qu'il perd, mais ne sait guère ce qu'il gagne.

Reste la situation inverse : un père méprisable, indigne, pervers ou criminel. Que deviendra le fils ? On dit : "tel père, tel fils". Ce n'est pas si simple, car il y a la mère, et la tante, et l'oncle et le grand-père. Une pluralité d'images qui offrent une pluralité de possibles. Mais il est vrai que pour le fils l'image du père est centrale, exerçant une force d'attraction et de répulsion considérable. Peut-être le fils va-t-il s'ingénier à restaurer le nom du père, à rétablir la dignité perdue de son image ? Ou suivre passivement le modèle ? Rien n'est écrit à l'avance dans cette affaire où tant de facteurs contribuent à brouiller la vue. En dernier lieu il reste ce mystérieux pouvoir de décision, si souvent obscurci par la méconnaissance et la passion, mais dont il faut bien admettre qu'il s'exerce en dernier ressort.

Certes nous ne décidons pas librement et souverainement de ce que nous devenons et de ce que nous sommes, mais reconnaissons au moins que nous y avons notre part, grande ou mince, consciente ou inconsciente. Ce que fort justement on appelle le désir.

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