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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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19 février 2020

LA ROSE DU POETE

 

Je n'ai pas même besoin de fermer les yeux pour la voir : elle se surimprime sur la surface du visible, sur la forme ordinaire des choses, comme un collage que nul ne voit, hormis moi, la grande rose au vastes pétales ouverts, aux franges délicates, qui abritent en son centre la chair rose de la félicité. Ce n'est pas une vision, encore moins une perception, plutôt une sorte de mirage, de projection poétique. Elle n'altère en rien l'image du monde, ne trouble pas les sens ni l'entendement. On peut la susciter ou l'effacer, la négliger ou la cultiver. Elle s'accompagne d'une très subtile impression de bonheur, qui ne doit rien à l'expérience concrète, à la disposition affective : elle se suffit à elle-même, comme est la rose dans le jardin.

Il y a peu j'aurais dit : au centre de la fleur, le vide. Je le dirai encore, mais à présent ce vide est coloré, beau joyau de chair tendre, lisse et profond. 

Je dirais volontiers : voilà ce que l'humain peut figurer au mieux pour l'objet du désir. Mais ce n'est nullement un objet (vide d'objet) ce n'est qu'un symbole, mais peut-être le plus puissant que l'on puisse forger. Il est clair que rien de ce qui existe dans le monde, fortune, pouvoir, savoir ne peut y égaler. La rose, inviolée, inviolable, plane souverainement au-dessus de nos désirs.

   "Ce que tu cherches  - il est tout proche" - mais tu ne le vois pas !

Depuis quelques jours je me sens habité par une humeur poétique, une certaine disposition d'attente inquiète, espérant que cet élan du coeur puisse se traduire en poème. Mais rien ne vient, et c'est une grande déception d'être ainsi dans l'expectative et de ne pouvoir donner forme et rythme à la pression intérieure. C'est dans ce silence anxieux que s'est levée pour moi, comme une aube "à la robe safran", la rose, et qu'elle a rempli de ses ailes la surface du monde.

D'aucuns se préciteraient dans l'interprétation et diraient : c'est la rose mystique. Soit, et alors ? Pour moi je me contente d'expérimenter. Cette affaire ne délivre aucun savoir particulier, n'explique rien, ne résout rien. La rose est hors de moi, beauté inaccessible. Et la rose est en moi, qui la conçois et la projette. C'est le mirage du poète qui se mire dans les eaux limpides de la félicité.

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