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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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13 décembre 2018

GAME OF THRONES : une bonne nouvelle

 

Entre autres activités hautement culturelles je me plais à visionner méthodiquement la série "Games of Trones" dont on aurait grand tort de méconnaître la portée philosophique. On y trouvera d'étincelants dialogues sur la nature du pouvoir, l'art de duper les hommes et de les conduire à la crainte, à l'aveuglement volontaire et à la servitude, de savoureuses saillies sur la stupidité, le fanatisme, la croyance aveugle, il est vrai dans un contexte d'une épouvantable cruauté. Rarement l'horreur insigne de la condition humaine aura été exposée avec autant de réalisme. L'inconscient à ciel ouvert ! Et puis, de ci de là, très rarement il est vrai, une ouverture soudaine sur la poésie des jardins, la beauté des roses...Parfois une scène sereine qui semble annoncer la paix, ou la liberté du coeur.

Voici un homme étendu sur la couche des gisants, le corps percé de quatre coups de dagues. C'est en vain qu'on a tenté de le soigner. Il est donné pour mort. On fait appel à une sorte de prophétesse. A la manière des chamanes antiques elle convoque les esprits, procède à des envoûtements, distille ses onguents et ses poisons. Rien n'y fait, l'homme est mort. On quitte la pièce. L'homme est seul sur son grabat. Et voici que , ô miracle, il se réveille, ouvre les yeux, gémit, tente de se relever. On revient, on s'étonne, on se stupéfie : il n'est pas mort ! Quelqu'un lui demande : "Qu'as-tu vu quand tu étais de l'autre côté, chez les morts ?" - "Rien, je n'ai rien vu". "Mais dis-nous, qu'y a-t-il de l'autre côté ?" insiste l'homme. - Rien, je n'ai rien vu". 

Je ne puis m'empêcher d'évoquer mon opération cardiaque. Pensez donc, le chirurgien m'a coupé la poitrine en deux, extirpé le coeur qu'il a déposé hors du corps sur une table, procédé à une sorte de rafistolage, replacé le coeur dans le thorax, refermé, recousu - le tout, bien sûr, sans que je n'en sente ni n'en voie rien - tout cela je le sais par récit, alors que j'étais profondément anesthésié. Quand j'ai repris conscience j'ai cru que l'opération n'avait pas eu lieu : entre l'endormissement et le réveil il n'y avait rien, pas même la sensation d'une absence, d'une interruption ou d'un vide. J'y vois la confirmation éclatante de la célèbre thèse d'Epicure : la mort est l'absence de sensation. L'anesthésie - j'en ai vécu plusieurs avec le même effet de néant absolu - réalise la condition psychique de la mort. Ce n'est pas la mort qui est à craindre si la mort est un néant, mais la souffrance sous toutes ses formes : angoisse de l'avenir, regret du passé, anxiété sans cause, terreur du châtiment, et bien sûr la douleur physique, pour laquelle on aura inventé de puissants remèdes.

A la suite des anesthésies, à chaque fois, je me suis dis : qu'importe la mort, qu'importe le néant puisque le néant ne me concerne en rien.

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Commentaires
G
"Tout n'est que vent et poursuite du vent" dit, je crois l'Ecclésiaste? Et Montaigne dirait : eh quoi, ventons, ventons encore, si nous ne sommes que vent ! Si l'illusion est indéracinable ou peut prendre le parti de l'accueillir, de la porter, et surtout de l'infléchir à notre gré, ce qu'il faut d'audace et d'intelligence pour la faire nôtre, autant qu'il est possible. Un clinamen, une dérivation consciente par où le sujet exprime sa singularité.
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X
Quel théatre vos commentaires ! bien joué...
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D
Vous avez raison d'insister sur l'importance de l'illusion, son rôle dans la volonté de continuer, persévérer... la "persistance", l'importance de se raconter une histoire, un récit pour s'abuser, se justifier, se donner un sens... similaire à un toxique qu'on s'administre pour éviter l'advenu de la première des 4 nobles vérités que l'existence conditionnée est sans substance, précaire et vacillante. Nulle passion triste, juste la satisfaction de voir le réel tel qu'il est. Avancer serein vers l'ultime moment.
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D
La vie est réelle (et si peu de chose !) du point de vue physiologique, à un niveau tel qu'il se passe de toute conscience et qu'au fond, cela ne nous concerne que peu, tant nous restons grossièrement incapables de le penser et moins encore de le connaître. Dans cette perspective, le néant de la vie est dans la sphère de la représentation, dans l'expression de nos attachements identitaires et narcissiques qui nous poussent au "divertissement", à la "diversion", à nous raconter des histoires, à nous laisser séduire par tous les scénarios qui participent de ce sentiment aussi pénible qu'indistinct, à savoir que ce qui soutient notre existence n'est qu'un ensemble de fictions, cette toute puissance de l'illusion dont tu parles qui évite l'effondrement.<br /> <br /> <br /> <br /> Ce goût pour la fiction "Game of thrones" en est, me semble-t-il, une illustration assez saisissante. Le réel de la précarité de la vie (les corps décharnés et torturés) n'est visible qu'à la condition de demeurer captif de la fiction, ce double halluciné qui semble d'autant plus réel en lieu et place du réel qu'il ne l'est pas. C'est là, me semble-t-il son néant. Et c'est dans ce néant que nous nous mouvons et que nous tentons de donner sens à une vie qui nous échappe et nous mène, de surcroît, au néant.
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G
Je ne voulais nullement faire l'apologie du néant, mais introduire un peu de sérénité. Je ne pense pas qu'on puisse parler sérieusement du néant de la vie, qui est bien réelle, puisqu'on y souffre et y jouit. Ce qu'on y voit en effet, cher Démocrite, c'est la toute puissance de l'illusion, à croire qu'elle conditionne la perpétuation de la vie même. Peut-être que savoir c'est en quelque sorte dé-vivre, en tout cas dériver vers d'autres continents, un peu plus lumineux.
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