Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
Archives
Visiteurs
Depuis la création 1 056 089
5 décembre 2018

PSYCHANALYSE du TROU

 

Peut-on se représenter un trou sans bords ? C'est pour le moins difficile. Pourtant c'est à cela que nous convie Hésiode lorsqu'il pose l'origine du monde comme "chaos" - ouverture infinie, béance absolue - d'où sortiraient la Ténèbre et la Nuit, bien avant le Jour et la Lumière.

Quand nous figurons un trou nous partons des bords, lesquels découpent un cercle, à l'intérieur duquel s'ouvre l'abîme. Voyons les enfants au bord d'un puits : ils s'appuient sur la rembarde, avancent la poitrine et la tête, ouvrent tous grands les yeux et plongent le regard dans les profondeurs. Qu'espèrent-ils donc apercevoir tout au fond ? En général ils ne voient rien, mais s'empressent de peupler l'abîme de monstres redoutables. Quoi de plus excitant que ce rien qui suscite la multiplication des images et des fantasmes ? C'est qu'en dernier ressort ce que nous souhaitons voir, que nous brûlons de voir, se dérobe indéfiniment à la vue. Le plus évident est cela qui ne peut s'évider : échec structurel de la vision.

Quand on est de ce côté-ci - celui de la norme publique, de la convention langagière, du refoulement - on ne peut voir de l'autre côté, celui du réel et du sexuel, on tremble sur le bord, on échoue à percevoir le trou, le fond sans fond du trou.

Mais renversons la perspective. Au lieu d'aller du bord vers le trou, posons que le mouvement réel va du trou vers le bord, que le trou précède le bord. Nous voilà instantanément situé dans une tout autre registre, nous voici à l'origine du monde, antérieurement à toute construction de monde - kosmos selon les Grecs, et souvenons-nous qu'avant d'être le monde, le kosmos c'est la parure, l'ornement, le cosmétique. Le monde, le kosmos vient toujours après coup, comme édification secondaire, travail du refoulement, oeuvre du langage et de la convention. Nous étions dans le trou avant que de naître à la lumière. La Nuit toujours précède le Jour, mais cela nous l'avons oublié, perdus que nous sommes dans les dérives du travail et de l'utilité.

Et pourtant il nous reste une réminiscence de cet état antérieur, comme une image laiteuse et pâle, et cette langueur parfois qui nous fait souvenir que nous ne sommes pas au monde, pas tout à fait, toujours un peu décalés et boitillants, avec dans le regard une brume insistante qui témoigne de la duplicité de notre vision, de l'étrangèreté indépassable de notre condition.

Publicité
Publicité
Commentaires
L
Le trou est une notion très inspirante, pour ne pas dire aspirante comme un syphon; soit dit sans la moindre ironie ni perfidie; <br /> <br /> <br /> <br /> et qui ne rêve de retrouver la tiédeur obscure et douce, que je me plais à imaginer apaisante, comme une mer infinie d'amour, de l'utérus maternel;...<br /> <br /> <br /> <br /> dans "Ring", un film fantastique japonais je crois, le trou est celui d'un puits au fond des ténèbres duquel nage l'horreur d'un spectre indiciblement haineux et mortel, qui peut en surgir pour tuer dans certaines conditions liées à une cassette vidéo, dont j'ai oublié le détail; ce film inspire je trouve une angoisse bien réelle; <br /> <br /> <br /> <br /> renoncé par ailleurs à lire du Cowper Powys ("wolf Solent, ou encore "Les enchantements de Glastonbury"), rien que pour avoir lu quelque part que l'auteur avait confié une aversion insurmontable des trous, plus précisément de tout orifice; car là, l'allusion sexuelle me semble évidente, avec répugnante gynophobie à la clé;<br /> <br /> <br /> <br /> La sombre verdure de certaines trouées sylvestres est comme transfigurée par la lumière qu'on peut voir au loin, surtout quand cette issue lumineuse, radieuse, est baignée de soleil; <br /> <br /> on est alors exalté et comme irrésistiblement attiré, on presse le pas, pour accéder à ce paradis lointain; <br /> <br /> mais souvent, quand on y débouche enfin, la clairière nous offre alors un spectacle moins merveilleux qu'on ne l'imaginait, plus banal: désenchanté, surtout quand il s'agit en fait tout bonnement de la fin du bois; <br /> <br /> et le vrai paradis, comme le passé, est resté derrière nous.<br /> <br /> <br /> <br /> Puis, ce qu'on appelle les trous noirs cosmiques... eux aspirent comme ceux de l'évier; la saleté matérielle je suppose; mais sont-ils vraiment noirs, et non blancs par exemple?... <br /> <br /> <br /> <br /> Dire que certains astrophysiciens affirment que nous SOMMES dans un trou noir, enfin notre système solaire (pourtant), voire toute notre galaxie; alors qu'on l'appelle "voie lactée", comme par dérision dans ce cas....
Répondre
D
Il y a un passage dans l'oeuvre complète de Tchouang-tseu, qui dit que nous venons du monde des ancêtres et revenons dans le monde des ancêtres, qu'il nous précède, nous accompagne et nous reçoit de nouveau. "Fermez les yeux un instant et vous êtes dans le monde des ancêtres''.
Répondre
Newsletter
154 abonnés
Publicité
Derniers commentaires
Publicité