Le Chant des Origines; I, 3
3
« Tu n’étais qu’une pauvre petite boule de chair
Flottant dans l’eau visqueuse du giron
Buvant le sang, régurgitant le sang
Tu sentais vaguement autour de toi des murailles de chair
Contre lesquelles tu te heurtais parfois,
D’où tu rebondissais comme un ballon,
Des bruits confus berçaient tes longs sommeils
Peuplés de choses douces et molles
Comme des oreillers de coton léger,
Des sensations passaient comme des anges
Dans un ciel qui était terre et mer tout ensemble,
Et qui te traversaient sans te heurter, te blesser,
Mais tout semblait si tendre, si doux, tout flottait
Avec toi et en toi comme un rêve
Qui ne devrait jamais finir…Heureuse illusion
Bientôt déchirée par l’expulsion à la lumière,
Et qui pourtant continue en sourdine
A vivre d’une vie autonome, souterraine
Dans les replis obscurs de la mémoire.
Mais tu ne savais pas que j’étais tout présent,
Du début à la fin, compagnon fidèle, double intime
Que je savais tout de toi, comprenais tout,
Que jamais tu ne serais tout à fait seul,
Que dans l’abandon et le désarroi je serais là,
Moi, ton génie protecteur, ton Daïmon, et ton guide
Ami d’au-delà du temps, et par-delà la mort ! »
Quand l’angoisse nous terrasse
Puissions-nous écouter en nous la voix chère
Du génie intérieur qui nous accompagne en tout.
Hélas, nous n’entendons rien, n’écoutons rien,
Nous marchons comme des ombres dans le noir
Insensibles, sourds, muets, aveugles,
Obtus, têtus et psychotiques. Il suffirait
De s’arrêter, de faire silence… Alors la voix
Oubliée, négligée
Pourrait monter en nous
Chanter
Et nous réunifier.