Le CHANT des ORIGINES : Chant troisième, 4
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Certains, glissant dans le coma
Descendant doucement dans les marais du songe
S'engouffrent dans les arcanes d'un long tunnel
Au bout duquel, brillante et douce, une lumière
Semble les appeler ; ils vont, irrésistiblement
De l'avant, happés par le sublime ;
Ce qu'ils désiraient de toujours, cet ardent,
Ce poignant désir de savoir, n'était-il pas
Soudain réalisé,
Il suffisait de marcher quelques pas de plus
Et tout était...Mais soudain une voix
S'élève, on dirait de quelqu'un de connu, un ami,
Un parent, grave, impérieuse : "Arrête-toi !
L'heure n'est pas venue. Retourne-toi,
Retourne auprès des tiens, rejoins sans tarder
La longue cohorte des vivants" - L'homme hésite.
La lumière est si belle. Faut-il, si près du but,
Revenir en arrière ? - Un instinct, peut-être,
Un génie lui fait signe. Il retourne, il revient.
Dès lors, le souvenir habite son coeur.
Comme une île enchantée;
Il va clamant qu'il a franchi la ligne,
Et tel Ulysse au Royaume des Ombres
Mort et vif, mortel et immortel
Sondé le grand mystère de la mort.
Hé quoi, ce ne sont là que des chimères,
Productions d'un cerveau bien vivant,
Fantaisies plaisantes qui ne disent
Que le délire du désir !
Non, la mort n'est pas une terre d'asile,
Une île de beauté souveraine où l'on aborde
Pour y goûter, tels des dieux d'Homère
L'éternelle félicité.
La mort, c'est la rupture
Brutale. C'est l'Autre inconnaissable
Le Tout Autre.
Quand il est, rien n'est plus.