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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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1 mai 2017

Le CHAUFFEUR CUISINIER CHINOIS : fantaisie

 

Nous avons tous, il faut bien vivre, nos châteaux en Espagne. Et pourquoi en Espagne ? Qu'en pensent les Espagnols ? Il en va de l'Espagne comme du Pérou : c'est plus beau de loin. Ceux qui y vivent rêvent d'ailleurs. Il faudrait voir pour quelle raison on n'est jamais qu'à demi là où on est.

Pour rire, de moi d'abord, et de ceux qui auraient pris pour argent comptant mes sornettes, j'ai volontiers déclaré que je rêvais, le jour où je serais riche, de m'offrir les services d'un chauffeur, fin cuisinier, chinois de surcroît. Serais-je donc trop valétudinaire pour conduire ma voiture ? Non pas, mais je n'ai plus aucun plaisir à conduire : trop de voitures, routes encombrées, trop d'interdictions, d'embarras, de contrariétés. Ah se faire tout doucement conduire, se laisser rêvasser en regardant le paysage, ne penser à rien ! Mais pourquoi un Chauffeur Chinois ? Et un chauffeur fin cuisinier ? C'est peut-être une plaisanterie, lâchée lors d'un déjeuner euphorique entre amis, qui s'est ensuite cristallisée en rengaine, et c'est ainsi que naissent les idées fixes : un hasard élevé à la dignité d'un trait de caractère ! A vrai dire je n'y ai jamais cru moi-même. Je n'ai rien fait pour m'enrichir, choisissant la profession la plus modeste, et mal payée, qui ne mène à rien. D'ailleurs je ne voyage guère, je n'ai nul besoin de chauffeur, et pour la cuisine je n'ai aucun goût de gourmet, me contentant volontiers d'un plat de frites ou d'un carré de fromage. Si je mange à ma faim tout me va. Pas même gourmand. De plus la cuisine trop raffinée me laisse régulièrement en manque. Tant de temps et de soin, tant de manières et de rond de jambe, pour en finir où vous savez !

Quant au Chinois, pourquoi pas ? Un zeste de Tao, vraisemblablement !

J'aime amuser mon monde avec de fausses certitudes, des opinions frelatées et indéfendables, des saillies pittoresques, des calembours dépourvus de sens. Il me plaît que la langue se mette à chanter et danser, et qu'importe le contenu. Un jeu de mots vaut bien une sentence bien sentie. Et puis les gens qui savent m'assomment. Rien de tel qu'une pirouette de non sens pour ruiner le prestige du sens. Eh quoi ! Soyons fous, et surtout restons-le. Rien de pire qu'un ex-fou qui se prend au sérieux, et singe le psychiatre. Nous ne vivons que d'apparences, et de le savoir, de l'assumer, nous rend plus folâtre que le fou, le vrai, qui souvent est fort triste.

Par ces temps de franche incertitude sociale et politique on a quelque mal à conserver sa bonne humeur, son "euthymie" si chèrement conquise, et si incertaine, si branlante, si délicate, et si rare. Il faut s'appliquer, par temps maussade, à rire par intention quand le rire naturel et spontané vient plus difficilement. Un petit coup de pouce, pour ne pas verser dans le drame ou la mornitude. Rester centré, plier s'il le faut mais ne rompre point. Il n'y a que trop de malheur autour de nous, n'ajoutons pas le malheur au malheur. Trop de passion ne contribue pas au Bien général, et s'il en faut un peu, mêlons-y un peu d'humour !

Je repense quelquefois à ce récit que l'on me fit un jour : une très vieille dame, toute pituitique et décharnée, traîne des jours lamentables de douleur et d'inconscience sur son lit de misère, insensible à tout ce qui l'environne, plongée dans le mutisme et l'absence, mais, soudain, entre deux interminables séances de sommeil, lève la tête, ouvre tous grands ses yeux éteints, et s'écrie : "les trois mousquetaires !" Avant que les personnes présentes ne reviennent de leur ébahissement, la vieillarde est déjà repartie dans son univers mutique et glacé. Jusqu'à la prochaine fois, tout aussi imprévisible et intempestive.

Comique ou tragique, comme vous voudrez. Les deux mon général, comme nous savons. L'humour involontaire l'emportera toujours sur le volontaire. Car il jaillit de profondeurs insoupçonnées auxquelles nulle conscience ne peut avoir accès.

 

 

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