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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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13 mars 2017

FAUTE et CULPABILITE

 

Etymologiquement, la culpabilité c'est la "fautivité" - terme qui manque à notre vocabulaire, et qui éviterait des confusions. Culpa c'est la faute, et "battre sa coulpe" c'était reconnaître avoir fauté. D'où il suivrait que la culpabilité est la marque subjective de la faute, le sentiment pénible qui accompagne ou suit le manquement à un devoir, ou la transgression d'une norme sociale ou morale. Mais le rapport entre faute et culpabilité n'est pas automatique. Si l'on distribue les rapports possibles entre les deux notions on obtient une sorte de carré logique - où nous verrons que ce carré incline en fait vers le rectangle !

Première figure : pas de faute, pas de culpabilité.

Deuxième figure : faute, reconnaissance de la faute, culpabilité assumée, sanction acceptée. Le contrevant paie son amende, le voleur expie en prison etc

Troisième figure : faute (au regard du droit, de la moralité des moeurs) mais le sujet nie toute responsabilité, ne se sent nullement coupable, défie l'autorité qui prétend le condamner. C'est dans cette catégorie qu'on trouve certains pervers psychopathes ou sociopathes, inaccessibles à tout sentiment moral et à toute empathie.

Quatrième figure : pas de faute, et pourtant la persistance d'un pénible sentiment de culpabilité, dont le sujet lui-même est d'autant plus victime qu'il ne parvient pas en déterminer la provenance et la fonction. Cette dernière figure est la plus intéressante des quatre, la plus énigmatique et la plus difficile à interpréter. Ce n'est certes pas un hasard si Freud lui accorde une grande importance dans ses travaux, notamment dans le "Malaise dans la civilisation" qui en donne la version la plus étendue.

Le sentiment de culpabilité est sans doute un trait assez général de la névrose. Dans sa version dure il occupe le centre de la pathologie mélancolique, où le malade se pose en criminel inexpugnable, étale des crimes imaginaires auxquels il croit, et en vient quelquefois au suicide, souvent à la pendaison, à l'ignition et autres fins délectables. 

Dans la névrose, plus classique, et largement répandue, le sujet souffre d'une culpabilité rampante, polymorphe, in-qualifiable, dont aucun raisonnement ne peut rendre compte. Manifestement, il s'agit d'une motion inconsciente, plus forte que la raison, échappant à toute tentative d'analyse par le sujet lui-même. C'est évidemment un motif sérieux de psychanalyse. Si aucune faute n'est commise, où est la faute ? Freud dira qu'il faut chercher du côté des désirs inconscients, d'autant plus agissants qu'ils sont inconscients. Tel qui a désiré trucider son petit frère, et qui a depuis logtemps oublié ces désirs infantiles, se comporte en sauveur dans la vie sociale, se surcharge à plaisir de toutes sortes de missions difficiles, et finit par craquer sous le poids de ses obligations, sans comprendre quelle est cette logique interne qui le contraint à tant de fatigue, sans goûter le repos ni la sérénité. Il expie sans fin un crime imaginaire, dont il pourrait très bien se décharger - à condition de retrouver cette phase oubliée de son passé, où il pensait et sentait en effet comme un criminel en puissance - mais où, c'est l'essentiel, il n'est jamais passé à l'acte.

Freud notait que nous sommes tous une bande d'assassins - mais si tous nous désirons nous débarrasser des indésirables, nous ne le faisons pas si souvent qu'on veut bien le dire. On a tort de se focaliser comme on fait sur la criminalité, qui existe certes, mais qui ne met pas nos rues à feu et à sang, comme certains journaux voudraient nous le faire croire. L'homme étant ce qu'il est, j'aurais plutôt tendance à m'émerveiller que certaines plages de paix sociale puissent se voir. Mais c'est évidemment au prix d'un refoulement massif des tendances inconscientes, ce qui relance d'un autre côté la névrose. Si bien qu'au total on peut estimer que ce fameux sentiment de culpabilité contribue à maintenir le corps social, encore que l'individu paie au prix fort la sécurité relative dont il peut jouir. La névrose est le revers de la socialisation, sa part obscure. Mais l'individu qui parvient à s'en libérer, au moins en partie, ne devient pas pour autant un criminel ou un malfrat : il apprend à se pacifier dans la conscience plus instruite et mieux éclairée de sa propre histoire, et sans fanatisme ni anarchisme, peut s'adapter aux normes sociales sans les adopter.

Pour finir on se demandera si ces analyses sont encore vraiment pertinentes au regard des évolutions actuelles de la société. De nouvelles libertés ont été conquises de haute lutte, des nouvelles possibilités se font jour dans la vie individuelle, familiale, sexuelle, culturelle. La vieille névrose freudienne recule et d'autres normes apparaissent - mais aussi de nouvelles formes pathologiques. Peut-être que le primat du sentiment de culpabilité s'efface au profit d'une nouvelle structuration psychique, dont on ne peut encore clairement définir les contours.

 

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Commentaires
J
Sentiment de culpabilité sans faute ,? Il était question de désirs inconscients. Mais il y a aussi des devoirs ou principes inconscients ou peu conscients. De deux choses l'une, soit on a refoulé la raison pour laquelle on se sent coupable, soit on ne se connaît pas assez pour savoir que l'on tient à être fidèle à une certaine image. <br /> <br /> Pour moi, de toute façon, le sentiment de culpabilité ne va jamais sans un principe moral. C'est pourquoi, quand on entraîne certaines forces spéciales dans l'armée, on leur fait commettre des actes que leur morale condamnait et auxquels ils finissent pas s'habituer. <br /> <br /> A la base, il ne faut jamais oublier que tous les interdits, tous les principes moraux viennent de la société ou de la culture. Mais que le danger d'être un affreux criminel n'est pas si grand que cela si on s'affranchit de ces principes parce que la vie spontanée ignore la préméditation, le calcul et même les boucs émissaires. C'est le refoulement qui est générateur de haine. .
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G
Je ne suis pas sûr, cher Monsieur, que le problème que vous posez relève du thème de la culpabilité. Vous cherchez une issue à votre dilemme, et moi je n'en vois qu'une : se concentrer sur son désir fondamental, y trouver de la force et de l'assurance, par quoi le jugement d'autrui perd peu à peu toute importance. Si vous vous affirmez dans un domaine de compétence vous serez heureux. Et du même coup indifférent au regard d'autrui.
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C
Merci Guy pour cette excellente thématique fort à propos. Néanmoins, je ne vais pas l'aborder sous l'angle de la topique Freudienne dans la mesure où je ne la maîtrise pas totalement. Oui, j'ai étudié cela en Terminale mais il y a plus de 50 ans déjà. Je vais plutôt l'appréhender en professionnel du Droit (Je suis Avocat), je rencontre souvent le cas.Comment expliquer le sentiment de culpabilité lorsque vous n'avez commis aucune faute, que psychanalytiquement votre cas ne ressortit pas de cette occurrence? Vous êtes coupable (Les autres, "L'enfer, c'est les autres" vous considèrent comme tel) et vous le ressentez au fond de vous tout simplement parce que vous appartenez à une culture bien déterminée. Ataviquement responsable mais pas coupable; ce que je résume personnellement par cette périphrase: "une assignation à résidence ontologique". Le noir est ceci, cela, l'arabe est violent, voleur et violeur. On puise dans le réservoir à préjugés et on trouve le costume qui sied à votre personne. Comment casser cette fameuse allégorie des trois "V". Vous avez beau être blanc comme neige vous n'arrivez jamais à vous soustraire à cette fausse croyance et vous dé-prendre de ce boulet que vous traînez votre vie durant? Comment faire ou plutôt comment l'expliquer? Dire comme Sartre que c'est autrui -en me regardant, il me chosifie et m'objective- et que je ne puis échapper à sa représentation ? Et, après ! Comment résoudre cette problématique? Étant entendu que je ne veux pas accuser la société des maux (mots) qu'elle n'a pas commis; surtout ceux qui relèvent du remue-ménage émotionnel propre à chacun. Je sais, là ,je touche à un autre problème sous-jacent: les préjugés qui ne sont que des pré-jugements en premier et dernier ressort auxquels on ne peut pas échapper.
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